La création d’une implantation nouvelle est-elle plus simple que le rachat d’une entité existante ?
Mélanie Ingouf : C’est un vrai défi la première fois, mais cela devient plus simple avec l’expérience.
Guillaume Grard :: A priori oui, car d’un point de vue technologies de l’information (IT), vous déployez des solutions diverses qui correspondent à votre stratégie, sans la contrainte d’un existant. Mais, en contrepartie, vous n’avez personne en local, vous devez recruter une équipe et tout créer à partir de zéro : identifier les besoins, apporter des solutions adaptées – idéalement assez proches de celles du siège pour simplifier les opérations de maintenance –, former des techniciens sur place, gérer le parc applicatif, le réseau et le support utilisateur…
« …L’autre challenge consiste à s’assurer que cette implantation reste en phase avec le système d’information (SI) central, en termes de compétences, de connaissances des process, des applications, de l’entreprise… » – Guillaume Grard
Concrètement, comment procéder pour créer une implantation ?
M.I. : Dans le cas d’ouvertures répétées de filiales à l’international, une stratégie consiste à créer un modèle de base (appelé core model) à dupliquer, c’est-à-dire un SI de référence de l’entreprise, permettant de créer, en miroir, un nouvel SI à partir de rien sur une nouvelle implantation.
G.G. : La stratégie diffère si vous créez une succursale ou une nouvelle entreprise complètement autonome. Au cours de ma carrière, j’ai ainsi pu voir des stratégies totalement différentes.
Une entreprise avait par exemple développé une plateforme SAP en France et déployé dans 18 régions un système SAP pouvant évoluer de façon autonome, selon les spécificités locales. En clair, cette entreprise a doté toutes les régions d’un applicatif commun et accepté que chacune ait ses propres spécificités, pour prendre en compte, entre autres, les aspects règlementaires, les langues, la fiscalité et les taxes.
À l’inverse, dans une autre entreprise, un core model a été déployé à l’identique dans toutes les zones géographiques. Chaque pays pouvait bénéficier de 5 % d’adaptations, réalisées par le siège et déployées dans toutes les implantations. Cela rendait le SI unique mais complexe, avec de nombreuses fonctionnalités utilisées par peu de pays.
M.I. : Il n’y a pas de « bonne » méthode dans l’absolu. Tout dépend du contexte et de la stratégie de l’entreprise, de sa culture, son organisation décentralisée ou centralisée…
Peut-on aussi envisager un SI entièrement différent, autonome et créé localement ?
GG : Cela peut avoir du sens : une petite structure de 10 à 15 personnes n’aura pas besoin du même SI qu’une grande entreprise (avec ses contraintes, son mode de fonctionnement, son organisation, etc.). De plus, dupliquer le SI d’une grande entreprise représenterait un coût trop élevé à l’échelle d’une petite filiale (infrastructures, licences, maintenance, coût d’évolution…). La solution doit être adaptée à la taille, au business model et à la gouvernance globale ou locale de la nouvelle implantation.
Une implantation internationale doit-elle être forcément connectée au SI de l’entreprise ?
G.G. : Pas forcément. Mais sans connexion, l’entreprise locale n’accède pas aux outils métiers ni aux informations du Groupe. Cela peut être un frein à la diffusion de la culture d’entreprise.
« Il n’y a pas de recette miracle, mais des éléments d’attention et de méthodologie à appliquer systématiquement… ainsi que des facteurs différenciants dans chaque opération, pour guider les choix. Au final, il y a autant de stratégies que de situations. » – Mélanie Ingouf