Lors d’une fusion-acquisition, quelle est la première tâche de la DSI ?
Guillaume Grard :La DSI doit comprendre la stratégie qui motive la fusion pour élaborer la sienne. En effet, dans le cas d’une fusion, l’objectif sera d’intégrer la nouvelle entité dans un existant. A l’inverse, lors de la simple acquisition d’une entité qui restera autonome, la question des technologies de l’information (IT) est moins prégnante.
Ensuite, il est nécessaire de réaliser un audit détaillé du système d’information (SI) : établir une cartographie de l’infrastructure, des réseaux, de la sécurité, des applications et logiciels (y compris ceux non gérés par la DSI c’est-à-dire le shadow IT), une revue contractuelle pour identifier les prestataires du SI, une étude de l’organisation, des compétences, des process, de la compliance, etc. Sans oublier, dans un contexte international, de prendre en compte les paramètres que sont la langue et la culture différentes, les fuseaux horaires, les aspects règlementaires…
« À noter : la due diligence IT devrait être réalisée, dans l’idéal, avant l’acquisition – surtout dans le cas des sociétés majoritairement technologiques. » – Guillaume Grard
L’avis de la DSI pourrait donc réellement peser sur une décision de fusion-acquisition ?
M.I. : C’est d’ailleurs une bonne pratique qui émerge dans les fusions-acquisitions : accorder une réelle importance, y compris dans la négociation, à l’analyse du SI et aux compétences de la DSI de l’entreprise rachetée (due diligence IT).
G.G. :L’audit de la DSI peut même modifier les conditions d’une acquisition. Prenons l’exemple du contexte de la RGPD (Règlement général sur la protection des données) et du rachat d’une entreprise dite « non conforme ». S’il existe un risque avéré concernant la protection des données personnelles, celui-ci est à prendre en compte. L’entreprise qui achète devra investir fortement pour mettre en conformité le SI. Au risque d’avoir à gérer un lourd passif en cas de condamnation.
L’objectif de la DSI ne sera donc pas toujours d’uniformiser les deux SI ?
Melanie Ingouf : Tout dépend de l’existant et de la stratégie de l’entreprise. Quatre solutions s’offrent à la DSI : créer un nouveau SI (modèle de transformation), combiner le meilleur des deux SI dans un patchwork applicatif (modèle best of breed), laisser les deux SI perdurer sans se mélanger (modèle de co-existence) ou encore imposer le SI de l’entreprise dans l’entité achetée en cas de fusion-absorption (modèle d’absorption).
G.G. : Ce dernier cas n’est cependant pas systématique. Si l’entreprise rachetée dispose d’un SI particulièrement évolué – qui pourrait même avoir motivé l’acquisition – l’acheteur peut au contraire adopter ce SI (modèle d’absorption inversé).
Quelles sont les étapes IT d’une fusion ?
G.G. : Selon moi, il faut commencer par les usages métier et donc par les applications, en s’interrogeant sur chacune avec les directions métier qui les utilisent : faut-il la conserver, la remplacer par l’application du siège ou par une autre application ? Ensuite, il faut descendre progressivement vers les couches plus techniques et plus complexes du SI : réseau, système, etc. Cela se fait conjointement entre les deux entreprises, qui apportent chacune sa vision de son existant.
Dans le cas d’un plan d’absorption, l’acheteur impose sa vision technique. Le challenge est alors humain. Il faut plus particulièrement accompagner le changement, créer un collectif à partir d’équipes de cultures différentes, remanier les équipes, statuer sur les compétences nécessaires et celles qui le sont moins : faut-il reclasser ces personnes ou les affecter à d’autres missions ? C’est un aspect difficile d’une fusion qui sera traité en étroite collaboration avec les ressources humaines.