L'entreprise, à l'aube de la révolution des expertises
Une machine dotée d'intelligence artificielle est capable d'apprendre, de comprendre puis d'agir en fonction de la connaissance qu’elle a acquise. Si le sujet alimente énormément l'actualité, sur le terrain les entreprises n'en sont qu'aux prémices d'une transformation technologique, économique et culturelle de grande ampleur. L'arrivée des systèmes intelligents promet de bouleverser les modèles organisationnels des entreprises.Selon une étude Infosys, 9 dirigeants sur 10 pensent que l’IA leur permettrait de redéployer les salariés vers de nouvelles fonctions plus intéressantes que la saisie ou le travail manuel.
Cette redistribution du temps et des moyens pourrait profiter à certaines fonctions de type création, design et expérience client. Dans les faits, l'intelligence artificielle concerne aujourd'hui principalement les technologies prédictives et l'automatisation des traitements de données. Au sein des organisations, les départements IT sont naturellement les plus matures sur le sujet. Sa mise en œuvre encore complexe et le manque de compétences en interne sont néanmoins des freins à sa démocratisation. Même si la transformation semble inévitable et que les investissements technologiques augmentent, les réticences existent. La confiance accordée aux systèmes intelligents est encore fragile. L'adoption de l'IA devra passer par une bonne compréhension des bénéfices qu’elle apporte et démontrer son efficacité auprès des décideurs.
Un puissant accélérateur de performance
L'intelligence artificielle et ses capacités de calcul permettent d’envisager des avancées considérables dans les domaines de la santé, des transports, de l’industrie, de la finance ou de l'environnement. L'IA repose sur la capacité d'apprentissage automatique (appelée Machine Learning) qui ouvre considérablement son champ d'application : mise en place de systèmes de reconnaissance automatique de produits, optimisation de la gestion des stocks et des flux prévisionnels, détection de fraudes et évaluation des risques. Toutes les fonctions de l’entreprise devraient pouvoir tirer parti de l’IA et voir leur performance décupler.
Des études du Cigref (2016) visant à analyser l'impact de l'IA en 2035 rapportent que la croissance économique d'un pays s'évaluera en fonction de son degré de maturité en intelligence artificielle : la France devrait voir sa productivité nationale bondir de 20 % d'ici 2035 ! C’est pour tenter de dégager une vision globale de ces bénéfices à l’échelle nationale que le député Cédric Villani remettra en mars prochain son rapport sur l’IA au gouvernement. L’objectif est d’étudier les pistes permettant de faire de la France un acteur majeur de l’IA dans les domaines de l’éducation, la recherche, l’industrie ou les services publics tout en déterminant un cadre éthique autour de son utilisation.
Une source de débats
L'intelligence artificielle alimente bon nombre de débats autour de questions sociétales et éthiques. Certaines thèses prédisent qu’elle constituera une source d’amplification des problèmes et des inégalités à l'échelle mondiale. Les nouveaux algorithmes, robots et voitures autonomes pourraient supprimer des emplois avant même que nos sociétés aient pu anticiper cette transition. Selon une étude du site futureoflife.org, les métiers les plus concernés sont surtout ceux des secteurs des services, de la vente, de l’administratif et des transports. Des spécialistes du sujet comme Laurent Alexandre, chirurgien et expert en nouvelles technologies et IA, multiplient les mises en garde, en déplorant notamment les situations monopolistiques des entreprises qui détiennent ce savoir-faire technologique, les dérives eugénistes potentielles qu'elles sous-tendent, ou encore la mise en péril de nos démocraties provoquée par la course effrénée au déploiement de l'IA. La nécessité de « garder la main » sur la technologie est d’ailleurs au cœur du dernier rapport de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) sur les enjeux éthiques des algorithmes et de l’IA.
Ce rapport met en exergue deux principes fondateurs : la vigilance (questionnement régulier, méthodique et délibératif à l’égard de ces technologies) et la loyauté (l'intérêt l’utilisateur, qui est aussi citoyen, doit primer).
Place à l’humain !
Lorsque l’on évoque l’intelligence artificielle, le réflexe est souvent d'opposer l'automatisation à l'humain. Pourquoi ne pas plutôt souligner la complémentarité des deux ? L'IA aura pour conséquence de faire émerger de nouveaux métiers, avec des fonctions plus orientées vers la supervision et le contrôle, où la machine et l'homme auront leur place. Car même si les technologies prétendent « augmenter » l'intelligence, rien ne peut remplacer la compréhension et la finesse de jugement d’un individu… y compris pour interpréter les choix des algorithmes, parfois défaillants. Depuis décembre 2017, la ville de New York a par exemple décidé de se doter d’une législation pour vérifier ses propres algorithmes d’aide à la décision. Les algorithmes d’IA utilisés par les services de police, de justice et autres agences municipales seront testés et contrôlés dans l’objectif de débusquer des biais éventuels. Une première aux États-Unis !
Rien ne peut se substituer non plus au contact humain dans une relation commerciale ou un parcours d'achat. Sous le contrôle de l’homme, l'IA devient un déclencheur automatique d'alertes, laissant l'interprétation et la prise de décision finale à l'individu.
L’intelligence artificielle fait partie intégrante de l’évolution future des modèles économiques, les décideurs doivent donc dès à présent s’emparer de toutes ces questions pour déployer correctement des systèmes intelligents dans leurs entreprises et en retirer de la valeur.
Sources :
AI Adoption Driving Revenue Growth for Businesses; Leadership on Workforce Implications Vital (Infosys 2017)
An Open Letter, research priorities for robust and beneficial artificial intelligence (futuroflife.org 2016)
Gouvernance de l'intelligence artificielle dans les entreprises (Cigref 2016)
Pour aller plus loin :
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