Qu’est-ce que l’hyperconnectivité ?
Le terme « hyperconnectivité » provient des travaux des sociologues canadiens Anabel Quan-Haase et Barry Wellman et plus précisément de leurs études sur la communication personne-à-personne et personne-à-machine au sein des organisations les sociétés « en réseau ». Derrière cette définition, on retrouve l'utilisation de moyens de communication numériques multiples, tels que le courriel, les messageries instantanées, le téléphone, ou encore les réseaux sociaux... On l’étend même aux dispositifs IoT (internet des objets) que l’on retrouve à domicile, au bureau ou dans les transports, ainsi que dans les lieux de divertissement et de shopping. Mais hyperconnectivité est également synonyme d’« enregistrement permanent » : à l’heure où les capacités de stockage et les services d’enregistrement sont devenus pratiquement illimités, une partie importante des activités et communications quotidiennes de chacun se retrouve sauvegardée de manière quasi-systématique, qu’il s’agisse de données GPS, de vidéos, messages… Enfin, le concept s’entend également dans le domaine des communications unifiées, où la capacité de traitement du trafic et la bande passante d'un réseau dépassent toujours la demande : le nombre de voies et de nœuds de communication est beaucoup plus important que le nombre d'abonnés, et tous les appareils qui pourraient bénéficier d'une connexion à un réseau sont en effet connectés. Le phénomène est renforcé par l’arrivée de technologies telles que la 5G, au point qu’on compte désormais 4 appareils connectés pour chaque personne dans le monde.
L’impact de l’hyperconnectivité sur les sociétés
Les groupes affectés
Si l’hyperconnectivité est vue par de nombreuses entreprises comme l’opportunité de pouvoir de fournir technologies et services permettant de maintenir les consommateurs connectés à travers des canaux multiples, il convient de considérer son impact sur la société et les individus. Du fait de leur grande présence en ligne, les jeunes sont les plus impactés par cette tendance. Les catégories sociales les plus aisées constituent également un public très touché, disposant de suffisamment de revenus pour pouvoir s’offrir un grand nombre d’objets connectés. Ils sont également les premiers à adopter les technologies immersives. Citons également les communautés en diaspora, qui comptent sur le numérique pour maintenir divers liens avec leur lieu d’origine : qu’ils soient personnels, professionnels, ou commerciaux. La diminution rapide du coût des appareils connectés permet aux personnes à faible revenu de développer une addiction aux activités en ligne, en particulier celles qui se retrouvent isolées de leur famille en raison des coûts de logement. Les publics très instruits sont également susceptibles de passer de nombreuses heures en ligne, en particulier ceux qui travaillent à distance ou dont les communications numériques constituent une partie essentielle de leur emploi ou de leur formation. L'épidémie de COVID-19 est venue renforcer ce phénomène en imposant un transfert dans le monde numérique de la quasi-totalité des activités quotidiennes. Ces populations éduquées font montre de discernement, consultant les avis de consommateurs pour s’assurer de la qualité et l'adéquation d’un produit
Changements géographiques et géopolitiques
L’hyperconnectivité peut également s’avérer bénéfique pour les zones rurales : l’accès aux soins, à l'éducation et au travail peut désormais atteindre des campagnes excentrées. Cela doit générer de la croissance économique et une amélioration du niveau de vie, non seulement pour les travailleurs connectés, mais aussi pour les acteurs locaux qui leurs fournissent services et produits. Et les marchés développés ne sont pas les seuls à tendre rapidement vers cette connectivité permanente : les pays émergents ont, quant à eux, directement fait le saut vers le mobile en enjambant la marche de l’ordinateur individuel. Cependant, cette révolution rapide montre ses limites : l’adoption de multiples canaux de communication à haut débit requiert un accès 5G et/ou fibre optique, nécessitant la construction d’infrastructures coûteuses. En outre, le développement de ces technologies impose aux gouvernements d’augmenter leurs dépenses d'éducation dans ces technologies afin de répondre à la demande galopante d’emplois qualifiés dans la filière.
Commerce et hyperconnectivité
Vente de détail
Dans l’« ancien monde », la plupart des entreprises avaient une approche simple de la vente, centrée sur la production de services et de produits que leurs clients achetaient en fonction de facteurs tels que la marque, le prix, les performances, la fiabilité et le service client. L'hyperconnectivité vient bouleverser chacun de ces facteurs, les marques se devant d’être omniprésentes et instantanément reconnaissables. Lors d’un achat, les consommateurs entretiennent leur propre image numérique, devenant même, pour certains, des influenceurs à même d’impacter la dynamique du marché. Un produit se doit donc d’être immédiatement performant et attractif. L’exigence de satisfaction immédiate se retrouve également dans les relations avec les clients. Le consommateur d’aujourd’hui se montre moins patient avec la marque, le produit ou le service et attend un niveau de service client beaucoup plus élevé. Une présence en ligne attrayante et efficace peut permettre à une entreprise de gagner des clients, mais sa réputation et son image de marque peuvent être rapidement mises à mal si le service clientèle n'est pas de très haute qualité. Et si Internet peut faire office d’égalisateur et ainsi permettre à des petites start-ups de pénétrer et « disrupter » des marchés stagnants, le revers de la médaille est qu’une mauvaise expérience consommateur peut être vue par le monde entier : un seul faux pas de la part d’une équipe marketing peut coûter des millions à une entreprise. Malgré ces risques, la vente en ligne est devenue incontournable : nombreuses sont les entreprises qui ont périclité du fait d'une présence en ligne insuffisante, ou même d'une plate-forme de livraison inadéquate. La période actuelle, caractérisée par une réduction encore plus forte du commerce physique, ne fait qu’accentuer cette tendance. Les acteurs qui disposaient déjà d’une présence en ligne efficace et bien établie ont quant à eux su tirer parti de la situation.
Modes de dépenses
Comme évoqué plus haut, l'hyperconnectivité commerciale est principalement répandue chez trois groupes de populations : les jeunes, les personnes éduquées et les plus aisés. Le pouvoir d’achat de ces derniers en fait des clients précieux. Les personnes éduquées sont également de bons clients, mais manquent souvent de temps et ont donc besoin de réponses rapides à leurs problèmes et sont sensibles à la qualité des produits et des services. En outre, ils s’avèrent prompts à afficher leurs plaintes en cas de problème.
Les jeunes, s’ils sont les plus actifs en matière de communications numériques, n'ont en revanche pas toujours suffisamment de fonds disponibles. Cette limite peut amener les entreprises à chercher d'autres moyens de générer des revenus à partir de cette population, ce qui peut conduire à la conception et l’intégration de dark patterns (ou interfaces truquées) ainsi que d'autres mécanismes de coercition visant à augmenter le temps passé en ligne. Les jeunes se révèlent aussi les plus susceptibles de perdre le contrôle de leurs données, se montrant moins réticents à partager des informations personnelles sans se rendre compte du potentiel impact futur de l’archivage quasi permanent de leur vie en ligne. Pour les entreprises, le choix qui s’impose est le suivant : être simplement conscient de ces facteurs, ou décider d’en tirer parti.
Les commerçants ont donc beaucoup à gagner de la situation, mais l’équilibre est difficile à maintenir. Certains font le choix d’entretenir une relation socialement respectueuse, tenant compte du bien-être de leurs clients : ceux-ci sont susceptibles de développer une clientèle plus fidèle. C’est le cas d’une entreprise comme Apple, qui a fait de la protection des données de ses clients un point de différenciation avec, à la clef, une amélioration de l’image de marque et une fidélisation de la clientèle. D’autres choisissent d’exploiter ces données pour obtenir des rendements immédiats plus élevés, s’exposant au risque d'être touchés par de futures réglementations qui limiteront leur modèle d’affaires et leur longévité.
Impact environnemental
L'hyperconnectivité constitue également un levier de réduction de l'impact environnemental : une logistique optimisée, une main-d'œuvre mieux distribuée et une approche globale de l'activité donneront aux entreprises une intelligence culturelle accrue et une appréciation aiguisée de l’articulation entre leur activité économique et la société.
Par exemple, l'internet des objets (IoT) transforme déjà la chaîne logistique et optimise les connexions entre clients, fournisseurs, fabricants et commerçants. Capteurs et balises surveillent en permanence offre et demande, afin de gérer les stocks et d’expédier les produits au moment et à l'endroit voulus. Ces mêmes capteurs permettent de suivre plus précisément l'utilisation des ressources et donc d'aligner les points de distribution sur la demande des clients. Le stockage des inventaires est réduit, ce qui diminue le risque pour le fabricant et le distributeur, d'où une rentabilité potentiellement accrue et une baisse des coûts pour le consommateur.
Cette optimisation de la logistique, associée à une main-d'œuvre à distance, a le potentiel de réduire considérablement l'empreinte carbone d'une entreprise. La main-d'œuvre talentueuse recherchera des lieux durables à des prix attractifs dans le monde entier, ce qui réduira la nécessité de centres commerciaux centralisés et permettra aux entreprises d'embaucher les meilleurs, quel que soit le lieu. Cela devrait avoir un effet significatif sur les économies émergentes, en contribuant à y élever le niveau de vie et ainsi à réduire davantage l'impact environnemental, ces nouvelles communautés connectées diffusant les connaissances et la richesse qu'elles génèrent.
L’impact de l’hyperconnectivité sur les individus
L’identité et les connexions sociales
L'avènement des communications numériques a amélioré la connectivité entre les personnes, sans pour autant améliorer la qualité des interactions. Si chacun constate une plus grande facilité à contacter ses amis et connaissances, l'abondance de canaux n'augmente pas pour autant la sphère sociale, le temps et l'énergie émotionnelle nécessaires pour entretenir des amitiés n’étant pas extensible.
L'hyperconnectivité peut également se traduire par des identités multiples, qu’elles soient juridiques, professionnelles et sociales. Ces dernières se répartissent sur de multiples réseaux, contrôlés par des individus eux-mêmes ou entretenues par la famille, les amis, voire même les entreprises. Il est dès lors capital de posséder suffisamment de culture numérique pour pouvoir maintenir son statut social : le contrôle de ses identités peut devenir un travail quotidien imposant de maintenir et de surveiller plusieurs personnalités. En outre, ces facteurs exercent des pressions supplémentaires sur l'individu, avant même de considérer l'usurpation d'identité ou des activités telles que la localisation ou l'utilisation de technologies de reconnaissance faciale.
Les impacts sur l’emploi et les carrières
Une personne connectée peut, en théorie, travailler n’importe où tant qu’elle dispose d’un réseau suffisamment performant et fiable, mais le faire sans soutien de l’employeur peut générer des effets secondaires néfastes. Si le travail à distance dispense des déplacements quotidiens et offre un meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle en limitant le stress, les employés en distanciel se voient en contrepartie privés des opportunités de « réseautage ». Ils peuvent également être tentés de travailler à un rythme excessif pour chasser l’impression d’échapper à la surveillance d’un supérieur.
Toute entreprise moderne qui souhaite bénéficier de l'élargissement du vivier de talents qu'offre une main-d'œuvre connectée doit donc faire de la connectivité une partie intégrante de sa culture en garantissant que les informations et les opportunités soient mises à la disposition de tous. Il incombe également aux managers et aux équipes RH de détecter les signes précurseurs de désengagement ou de dépression qui pourraient résulter du fait qu'un employé se sente détaché de l'équipe
L’entreprise doit par conséquent envisager de nouvelles façons d'accomplir les tâches au sein de l'organisation, comme le crowd-sourcing, ou s’appuyer sur une présence mondiale pour garantir la continuité des opérations. La main-d'œuvre peut évoluer vers un parcours professionnel moins linéaire, aux multiples carrières et métiers autogérés, parallèlement à l'intégration formelle de périodes d'éducation tout au long de la vie professionnelle.
Les nouvelles générations d'employés, pour qui l'hyperconnectivité est la norme, attendent que leurs futurs employeurs partagent ces considérations : les organisations qui adopteront le mieux ces nouveaux modes de travail attireront les meilleurs talents de demain. Il faudra notamment adapter les bureaux pour concurrencer les employeurs proposant le travail à distance, afin de créer environnement attractif, confortable, qui encourage l'innovation et la collaboration et qui propose des équipements confortables. Si l'entreprise ne parvient pas à rivaliser avec le travail à distance ou les autres espaces de travail disponibles, elle ne pourra pas attirer les employés hyperconnectés, bien conscients des opportunités offertes par le numérique.
Les impacts sur la santé et le bien-être
Si l’on évoque souvent les inconvénients de l'hyperconnectivité, ces constats ne sont pas toujours suivis par des actions. Les personnes hyperconnectées sont souvent susceptibles de manquer d'interactions interpersonnelles importantes et souffrent d’une moins bonne qualité de sommeil. Elles pourraient ne jamais vivre pleinement les expériences immédiates que constituent certains dangers physiques, ni le plaisir de prendre le temps de lire un livre. À ces considérations s’ajoutent les impacts physiologiques, physiques et psychologiques.
En moyenne, nous regardons nos smartphones 110 à 150 fois par jour, soit toutes les 5 ou 6 minutes sur une journée de 12 heures. Nous souffrons de FOMO (Fear Of Missing Out). Il existe également des effets physiologiques douloureux : Text Neck (douleurs cervicales liées à l’utilisation des écrans), Gameboy Back (les problèmes de dos causés par les longues périodes assises) ou Text Claw (problèmes affectant les doigts et poignets). Les gens souffrent également de Sleep Texting (le somnambulisme appliqué à l’envoi de SMS), ainsi que des sensations de « vibrations fantômes », lorsque notre esprit nous joue des tours et faisant croire que notre téléphone vibre. Dépendance à Internet et dépression peuvent également apparaître : en effet, nous sommes plus susceptibles de déclarer nous sentir tristes, déprimés et seuls, à mesure que nous utilisons notre téléphone et les réseaux sociaux.
Que pouvez-vous faire personnellement pour limiter les effets négatifs de l'hyperconnectivité ?
- Ne gardez pas votre téléphone près de votre lit la nuit. Si vous vous réveillez, n’allez pas le chercher pour rattraper ce que vous auriez manqué. • Si vous avez besoin de vous mettre en pause d’un réseau social, supprimez son application de votre téléphone. Vous pourrez toujours la re-télécharger lorsque vous aurez vraiment besoin (envie) de vous connecter, mais c'est un obstacle suffisamment important pour vous empêcher de la consulter constamment et sans réfléchir.
- Appelez, n'envoyez pas de SMS. Au lieu d'envoyer vingt textos consécutifs, pensez à passer un appel et à entendre la voix d'une autre personne.
- Fixez-vous un emploi du temps. N’ouvrez votre téléphone/e-mail/Facebook/etc. qu’à des heures fixes, par exemple, au lieu de le faire aussi souvent que votre compulsion vous y oblige
- Fixez des limites. N'utilisez Twitter que pendant dix minutes par jour, Facebook pendant cinq minutes, Instagram pendant deux minutes, et ainsi de suite.
- Fixez-vous un objectif. L'utilisation d'un smartphone sert souvent à combler l’absence de tâche immédiate à accomplir ou d’objectif dans la journée. Qu’il s’agisse de promener le chien, préparer le dîner ou s'asseoir et payer les factures, arrêtez de procrastiner et faites quelque chose d'utile ou d'amusant.
- Enfin, l’addiction à Internet et la dépression sont des problèmes graves : demandez l'aide d'un professionnel.
Orange et l’hyperconnectivité
En plus de son rôle évident à fournir des technologies et des services en matière de communications et de transactions, Orange a un rôle à jouer auprès des abonnés, des partenaires, des gouvernements et des employés.
Tout d'abord, les abonnés doivent être incités à utiliser des méthodes de communication ayant un effet bénéfique sur la personne, comme par exemple préférer les réunions physiques aux visio, utiliser la vidéo plutôt que la voix, et la voix plutôt que la messagerie instantanée. Les abonnés peuvent être encouragés à faire plus dans le monde physique (à ajuster en période de pandémie), avec des événements qui encouragent les activités de plein air avec d'autres personnes, impliquant de l'exercice ou de la stimulation mentale. Enfin, Orange pourrait également suggérer l'utilisation de téléphones moins sophistiqués le week-end, en recommandant modèles basiques à n'utiliser qu'en cas d'absolue nécessité. Si l’on peut s’interroger sur les modalités pratiques de ce dernier point, la tentation de vivre sa vie à travers son smartphone est parfois si forte qu’il pourrait sembler judicieux de la supprimer.
Les partenaires qui fournissent des logiciels, des appareils ou des services utilisés directement par le client final ont également un rôle important à jouer. S'ils cherchent à exploiter l'hyperconnectivité pour de bonnes raisons commerciales, ils doivent également être conscients des inconvénients pour le client final. Orange peut soutenir ou rechercher des fournisseurs qui montrent des efforts positifs pour atténuer les abonnés développant certains des aspects négatifs de l'hyperconnectivité.
Orange a donc un rôle majeur à jouer pour aider les gouvernements à atteindre l'ensemble de la société, et pas seulement ceux qui ont les meilleurs appareils ou le plus de revenus disponibles. Alors que de plus en plus de services publics s'appuient sur des connexions de haute qualité et attendent des citoyens qu'ils se soient familiarisés avec des appareils et des logiciels sophistiqués, Orange peut contribuer à garantir aux citoyens un accès aux conditions de base d'une expérience hyperconnectée. Lorsqu'une personne achète un nouvel appareil ou signe un nouveau contrat, celui-ci devrait déjà avoir été « testé » afin de s'assurer que les services de base dont les citoyens ont besoin pour accéder à Internet sont disponibles et fonctionnent bien.
Enfin, les collaborateurs du Groupe doivent également être soutenus dans le cas où ils seraient eux aussi victimes des aspects négatifs de l'hyperconnectivité. Toutes les choses qu'Orange encourage chez les abonnés devraient également être encouragées pour ses propres employés : faire des pauses, se rencontrer en personne, utiliser la voix plutôt que le texte, etc. Il est possible de créer des environnements de travail qui encouragent les réunions informelles régulières et les échanges d'idées, et il convient de garder à l'esprit ceux qui travaillent à distance lors de l'élaboration des schémas de travail et de la formation et de la progression de carrière.
L'hyperconnectivité a le potentiel de transformer nos vies, de créer de nouvelles opportunités commerciales et de favoriser le développement de nouvelles technologies grâce à la collaboration, au partage d'idées et à de nouveaux modes de travail. Gardons donc à l'esprit que ces progrès rapides sont aussi ceux qui risquent de laisser le plus de monde derrière.