De nouvelles approches organisationnelles pour une donnée plus accessible
« La donnée n’est plus seulement l’affaire de la direction marketing », constate Pierre Cannet. « Son usage s’étend à l’ensemble des services, de façon transverse : prévoir l’obsolescence des machines, gérer ses chaînes de production et l’organisation des postes de travail. Elle constitue aussi et surtout un atout fort pour les dirigeants, pour repenser leur modèle et concevoir de nouveaux services. »
Cette transversalité amène certaines entreprises à repenser l'organisation de leurs entités ou de leurs outils pour faciliter une circulation agile de la donnée. Cela peut prendre plusieurs formes : technique, avec une homogénéisation des outils applicatifs ou la réconciliation entre les nouveaux univers digitaux et les anciens systèmes, ou transdisciplinaire avec une collaboration accrue des différentes équipes et branches. La gouvernance d'entreprise est la clé de voûte de ce processus : elle s’assure de la disponibilité de la data durant toutes ses étapes de traitement.
Une logique d'inclusion de chaque collaborateur qui peut également prendre la forme de méthodes de travail innovantes. Google a par exemple étendu à un niveau inédit les tests A/B, avec des activités de mesure permettant concrètement de savoir quels services fonctionnent et comment. À travers l’activité quotidienne de chaque développeur, Google peut ainsi mesurer statistiquement et régulièrement ce qui est efficace selon les publics visés.
Des spécialistes qui donnent du sens à la data
Le développement de la data s’accompagne de l’arrivée de nouveaux profils. Trois postes se sont particulièrement imposés, redéfinissant les périmètres d’action des services au sein de l’entreprise pour optimiser l’exploitation de la data en lui donnant tout son sens.
« Le Chief Data Officer (CDO) constitue l’interlocuteur privilégié et central », détaille Pierre Cannet. « Il est devenu acteur-clé de la transformation digitale en interne, dont le rôle consiste à définir une stratégie et à veiller à sa mise en œuvre. » Disposant d’une compréhension générale des enjeux business grâce à une collaboration étroite avec ses top managers, le CDO joue aussi un rôle d’interface avec les équipes techniques, dont il doit saisir les contraintes et les défis, pour mettre en place les infrastructures adéquates et disposer de data de qualité.
« Le CDO est épaulé par le Data Analyst, qui recueille et analyse les données, et par le Data Scientist qui intervient sur les problématiques plus complexes comme la création d'algorithmes », complète Pierre Cannet. Le Data Analyst va identifier les données les plus pertinentes à recueillir, en fonction des besoins définis par les différents services. Il est celui qui peut définir des modèles et des tendances, desquels tirer des opportunités de développement.
« D’autres spécialités devraient monter en puissance », assure Pierre Cannet. « La multiplication des données va sûrement s’accompagner d’un fort impact de l’intelligence artificielle et de ses spécialistes : ingénieurs, designers d’objets connectés, experts du deep learning et du machine learning. Sans parler des métiers encore inconnus aujourd’hui mais qui ne manqueront pas d’émerger au fil des révolutions technologiques. »
Une « datalphabétisation » pour démocratiser les usages
La « datalphabétisation » ou data-literacy en anglais désigne la compréhension et la maîtrise des processus d'exploitation de la donnée. Comme pour l'apprentissage d'un langage, cela signifie savoir lire la data, la manipuler et l'analyser pour en tirer des connaissances. Ces compétences pourraient bien constituer le prochain grand enjeu en matière d'éducation au sein des organisations : l'entreprise data driven n'existe en effet que par l'implication de chaque collaborateur qui devra acquérir des réflexes quotidiens autour de l'usage bénéfique et responsable de la data.
Comment relever ce défi ? Il n'existe bien sûr pas de solution unique pouvant s'appliquer à toutes les organisations. Parcours collaborateur de plusieurs jours, plateforme de données accessible en interne comme à l'externe… Il s'agira pour chaque acteur de documenter les bonnes pratiques, d'identifier les expérimentations et de mesurer l'importance des structures dédiées qui sont autant de pistes à explorer.
« Pour porter ces compétences récentes et spécifiques, les entreprises doivent encourager la mobilité interne par le biais de formations, associées au recrutement de ressources complémentaires », conclut Pierre Cannet. « C’est là une condition pour emporter l’adhésion des collaborateurs autour de ces changements et permettre aux talents externes d’être accueillis comme des adjuvants en interne. »