En 2018, data a rimé avec… ?
Mick Levy. Prise de conscience ! De toute part, et notamment au sein des entreprises, la prise de conscience a porté sur les opportunités que créent les données mais aussi sur les risques associés. Les scandales de fuite de données et les affaires comme celles de Cambridge Analytica ont étonnamment permis de mettre en avant la valeur qu’ont les données. Cela est très difficile à réaliser du fait de leur aspect immatériel et donc intangible. Ces affaires montrent aussi les limites de modèles business basés uniquement sur l’exploitation des données sans politique forte de protection et de respect de celles-ci.
Côté entreprises, 2018 a été l’année de l’entrée fracassante de l’intelligence artificielle dans le monde des usages. Nous sommes arrivés à un stade de maturité suffisant pour voir les premiers projets marquants éclore. Et les résultats sont très concluants, avec un ROI dégagé rapidement et un impact fort et mesurable.
Chaud devant : où va la data en 2019 ?
Mick Levy. La première tendance que je vois pour 2019 est logiquement la diffusion élargie de l’IA dans l’entreprise. La nouvelle année verra naître des projets plus avancés avec un impact plus fort sur les métiers. Les capacités de l’IA progressent à grande vitesse, elle peut désormais exploiter des données très variées (texte, son, image, etc.) ce qui est vecteur de nombreux usages à forte valeur ajoutée.
En conséquence – et c’est notre seconde tendance –, les entreprises vont devoir lancer des travaux de fond, notamment sur le sujet de la gouvernance des données : qualité de la data, référentiels de données, langages communs, etc. Il n’y a pas d’IA sans data. Il faut donc prendre le sujet de l’exploitabilité des données très au sérieux pour en tirer un maximum de profit.
Et côté RGPD, où en sommes-nous ?
Mick Levy. Du point de vue de la protection des données, 2018 a été un tournant clair et net, grâce au RGPD. Il a d’ailleurs participé à la prise de conscience générale sur l’importance de la data. La preuve ? Il est en passe de devenir une norme globale. De nombreux pays sont en train d’adopter des règlements qui s’en inspirent, comme le Japon, la Corée, ou la Tunisie. Même les États-Unis y travaillent, poussés par le CPPA californien.
Dans les entreprises, l’année passée a été consacrée aux travaux de mise en conformité prioritaires, souvent sous l’impulsion du juridique. L’enjeu à présent est d’industrialiser le RGPD, et notamment de l’automatiser. Par exemple pour que les demandes d’accès des clients à leurs données soient traitées dans les délais légaux. Pour y parvenir, il faut poursuivre la pédagogie sur le RGPD, mais surtout sur l’importance et les atouts de la data en entreprise de manière générale. Travailler sur la conformité au RGPD, c’est déjà travailler sur les données. Trop de dirigeants ne réalisent pas encore les apports de l’exploitation de leurs données pour le business. Le RGPD pourrait être l’un des vecteurs de cette compréhension.
« La data est un actif de l’entreprise, comme son capital humain ou ses moyens de production. Il faut se donner les moyens de l’exploiter et de le protéger ».
Quelles sont les innovations technologiques à surveiller pour les projets data de 2019 ?
Mick Levy. Côté infrastructures, on assiste à une montée en puissance du cloud. Celui-ci présente de très nombreux atouts tels que l’élasticité, la facturation à la demande ou encore la richesse des solutions applicatives. Certaines organisations vont s’orienter vers une approche hybride en hébergeant elles-mêmes les données les plus sensibles et en stockant les autres dans le cloud. Cela permet de tirer parti des atouts des nouvelles architectures tout en assurant le plus haut niveau de protection.
Les bases de données NoSQL et NewSQL (qui offrent des formats de stockage et d’accès aux données performants, agiles, et extensibles) s’imposent et vont poursuivre leur développement dans l’entreprise. Ces innovations permettent de répondre à un enjeu de taille : construire une infrastructure supportant toutes les applications de l’IA à venir, de manière souple et réactive.
Enfin, côté algorithmes, la recherche se concentre sur l’amélioration des capacités d’apprentissage (plus rapide et avec moins de données) et sur la mise au point d’algorithmes de deep learning non supervisés.
« Le challenge pour la DSI est de construire les socles data qui seront les supports pour accueillir toutes les applications d’intelligence artificielle de l’entreprise. »
S’il y avait un mot clé pour la data en 2019, ce serait… ?
Mick Levy. Éthique ! Il faut placer l’éthique au cœur de la construction de l’IA. Cette question concerne toutes les entreprises et ne doit pas être laissée à la responsabilité des législateurs.
Cela passe notamment par un travail sur la transparence des algorithmes et la gestion des biais cognitifs. L’IA apprend des comportements humains, mais ceux-ci ne sont pas toujours justes. Grâce à ses capacités d’analyse « non-émotive », nous avons l’opportunité de rendre l’IA juste, transparente et éthique. C’est une question-clé pour l’acceptation de l’IA par ses utilisateurs et pour faire de cette technologie une application inclusive, allant dans le sens de l’humanité.
Le mot de la fin ?
Mick Levy. Entreprises, sortez vos données du réfrigérateur ! Toutes les entreprises possèdent beaucoup de données, et elles seules peuvent en tirer profit. Ne laissez pas les vôtres au frais : utilisez-les pour résoudre les problématiques chaudes de votre activité ! Les technologies du big data et de l’IA sont matures pour apporter des services importants et transformer l’entreprise. Il faut les activer en 2019 en définissant une ambition forte et soutenue tout en démarrant sur des initiatives pragmatiques et mesurables.