Le champ, le nouvel espace de travail digitalisé
Les agriculteurs et les producteurs dans le monde se tournent de plus en plus vers une agriculture de précision pour relever des défis tels que l’approvisionnement en eau, la qualité des sols et les phénomènes météorologiques extrêmes, sans pour autant mettre de côté les défis récurrents et parfois imprévisibles de la production agricole.
L’agriculture de précision permet d’accroître la productivité ou les performances, d’améliorer la précision et de réduire les coûts de production. Un marché en croissance, qui atteindra les 3,7 milliards d’euros dans le monde en 2025, affirme Berg Insight.
Géo-positionnement par satellite (GPS), système d’information géographique (GIS) et technologie à taux variable (VRT), sont les trois technologies principalement utilisées pour de nombreux usages, comme le suivi du bétail et des cultures, la surveillance et la gestion des champs, ou encore la géolocalisation à des niveaux très précis. Les cultures peuvent ainsi être suivies grâce à l’imagerie par satellite, de même que des drones peuvent étudier l’humidité des sols. D’autres outils de géolocalisation facilitent le suivi des élevages et des pâturages de manière très fine.
L’agriculture de précision emploie également les mêmes technologies qu’en entreprise : capteurs, big data, intelligence artificielle (IA), imagerie, IoT (Internet des Objets), réseaux et bien plus. Les informations fournies par ces technologies sont accessibles depuis le smartphone des agriculteurs, ce qui facilite leur prise de décision.
Quels exemples ?
Les expériences en matière d’agriculture de précision sont désormais en phase de commercialisation, portées par des acteurs mondiaux du matériel et des technologies agricoles.
Quelques exemples :
- John Deere, une société de matériel agricole, a mis en place une application pour créer des cartes d’épandage et contrôler son matériel à distance. À partir des données sur la biomasse collectées sur le long terme, l’application permet d’élaborer des cartes précises des champs. Elles sont connectées aux machines qui délivrent ensuite la bonne quantité d’engrais et de produits phytosanitaires.
- Aidée par l’IA, Precision Livestock Technology utilise un logiciel intelligent connecté aux mangeoires du bétail. Les informations collectées facilitent le suivi des animaux. Lorsqu’ils mangent, ils sont filmés et les images sont analysées pour évaluer leur état de santé et les habitudes alimentaires. Le logiciel fournit en parallèle une aide à la décision dans le but d’améliorer les soins.
- D’autres entreprises de technologies agricoles telles que Dacom et Semios offrent des systèmes IoT connectés pour les champs. Une des solutions de Semios permet par exemple de vérifier les risques de gel dans les vergers. Des outils complémentaires exploitent aussi des données comme l’humidité, la température et la présence d’insectes. Les capteurs, l’IA et le machine learning viennent ainsi faciliter la prise de décision relative à la gestion des champs.
- La plateforme FieldAgent de Sentera utilise des drones pour concevoir des plans précis des champs. Le système peut, entre autre, repérer les invasions de mauvaises herbes, évaluer la santé des cultures, identifier les espèces présentes. Côté mer, l’ONU utilise un drone fonctionnant à l’énergie solaire, reliée à une plateforme qui inventorie et suit les poissons, ce qui est particulièrement utile dans le cadre de programmes de préservation.
Quels en sont les prérequis ?
Des réseaux performants, une formation aux outils et une interopérabilité des technologies sont les clés d’un déploiement réussi de l’agriculture de précision.
La pandémie de Covid-19 l’a encore révélé, les zones rurales dans le monde ne disposent pas toujours d’une infrastructure haut débit, limitant leur transformation numérique. Le déploiement constant de réseaux mobiles fiables pourra augmenter les capacités de connexion dans ces zones, mais il faut également en considérer le coût. La GSMA estime que cela pourrait coûter deux fois plus de mettre en place et d’entretenir une infrastructure réseau en milieu rural. Des technologies telles que les innovations en matière d’énergie solaire et de piles à combustible pourraient réduire ce coût.
La formation sera également nécessaire pour un déploiement réussi de cette agriculture puisqu’elle implique la connaissance de nouvelles disciplines. Elles incluent la science des sols, la génétique des cultures et du bétail, l’agrochimie et plusieurs technologies numériques telles que les capteurs à distance, les satellites et la robotique.
Un autre défi concerne l’interopérabilité. De nombreuses technologies d’agriculture de précision de première génération ont été développées de manière isolée, sans tenir compte de l’interopérabilité, une tendance qui s’observe notamment dans le secteur de l’IoT. Or, si les données importantes ne sont pas partagées, les opportunités d’analyses de masse de la standardisation n’existent pas. Des travaux sont en cours pour répondre à cet enjeu.
Pour une agriculture durable ?
Tous ces procédés promettent d’accroître les rendements, de réduire les déchets et d’améliorer la gestion des exploitations agricoles et des chaînes logistiques, tout en accélérant le progrès vers une agriculture plus durable. Le Forum économique mondial estime que si 15 à 25 % des exploitations agricoles mondiales adoptent ces techniques, le rendement des cultures pourrait grimper de 10 à 15 % d’ici 2030, alors que les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’eau pourraient diminuer de près de 10 %.
Comme le dit l’analyste Arama Kukutai, « Construire une agriculture et un écosystème alimentaire durables est absolument essentiel. »