les conseils d'une entrepreneuse française en Russie

Eclairages / Bonjour Eva, pouvez-vous nous expliquer l’activité de votre société : EVA FRANCE DECO ?
Evangeline Bady / J’ai fondé EVA France DECO en 2011 à Moscou, après une expérience dans une société de conseil en décoration d’intérieur. Je suis l’agent commercial en Russie de sociétés françaises et belges spécialisées dans la décoration d’intérieur. Mes clients sont des cabinets d’architecture ou de décoration d’intérieur, ou encore des showrooms qui m’achètent du mobilier haut de gamme...

E. Comment avez-vous choisi la Russie ?


E. B. / Pour moi, c’était une évidence. Ce pays me passionne depuis longtemps : j’ai commencé à étudier le russe après le bac, à Grenoble. Après une maîtrise et un échange à Nijni Novgorod, à l’est de Moscou, je me suis inscrite à un DESS négociateur trilingue commerce international, à l’université de Valenciennes. J’ai ensuite fait un stage de 6 mois à Moscou et je ne suis jamais repartie.

E. / Etait-ce évident du point de vue économique également ?

E. B. / Oui : Moscou est la ville la plus dynamique pour le marché de la décoration d’intérieur. Les Russes, qui jusqu’en 1991 avaient un choix extrêmement limité, ont développé un vrai goût pour la décoration d’intérieur haut de gamme. Le marché, en temps normal, est très dynamique, même si nous subissons en ce moment même une crise importante, comme nous en avons subi aussi en 1998 et en 2008.

E. / Les événements politiques récents (notamment les relations avec l’Ukraine) n’ont-ils pas des conséquences pour les entreprises installées en Russie ?

E. B. / Les produits que je vends sont épargnés par les différentes sanctions qui pèsent sur la Russie. En revanche, la chute du rouble a de vraies conséquences sur mon activité. Le rapport euro/rouble est défavorable à mes clients qui sont sans cesse obligés de revoir leur budget à la baisse.

E. / Selon vous, quelles sont difficultés principales pour un entrepreneur français qui se confronte au marché russe ?


E. B. / La maîtrise de la langue russe est évidemment déterminante. Mes interlocuteurs parlent peu le français ou l’anglais, voire pas du tout. Il est indispensable de parler russe pour créer son entreprise et entretenir ensuite de bons rapports avec ses clients et partenaires.

Autre réalité à prendre en compte : les formalités administratives nécessaires à la création d’une entreprise peuvent prendre du temps et tourner au casse-tête ! Il faut en effet aller de bureau en bureau (impôts, immigration, etc.) pour y remplir des documents différents. Et si un document est mal rempli, il faut tout recommencer !

E. / Comment avez-vous géré cette difficulté administrative ?

E. B. / Pour gagner du temps, j’ai fait appel à 2 sociétés de service. La première m’a assistée d’un point de vue juridique pour la création de mon entreprise en tant que telle. L’autre m’a aidée à être en règle avec les services d’immigration. En effet, en Russie, une entreprise doit faire des démarches pour avoir le droit d’embaucher un étranger. Une fois cette autorisation obtenue, le salarié concerné (en l’occurrence, moi) doit demander un droit de travail valable 1 an, puis un visa de travail. Si ces formalités ne sont pas respectées, on risque l’expulsion.

E. / Y a-t-il des règles implicites à connaître quand on fait du business en Russie ?


E. B. / En Russie, la personne qui vend est aussi importante que le produit vendu. Si le vendeur ne plaît pas à l’acheteur, celui-ci n’achètera pas, même si le produit est de qualité. Plus qu’ailleurs, il faut entretenir des relations poussées avec les clients potentiels. Avant la vente, il faut par exemple prendre le temps de faire connaissance, en discutant de sujets variés. Tout ce qu’il y à côté du business est important.

Autre point crucial sans doute lié au domaine dans lequel je travaille : la réactivité et la disponibilité. Les clients finaux de mes clients voyagent et travaillent beaucoup. Lorsqu’ils sont prêts à acheter, je ne peux pas me permettre de les faire attendre !

Enfin, les Russes aiment les remises, d’autant plus que les produits français ont la réputation d’être chers. J’encourage donc mes fournisseurs à me donner deux prix : un avant la remise et l’autre après.

E. / En tant qu’entreprise française « expatriée » à l’étranger, les solutions digitales sont-elles (ou ont-elles été) une aide pour gérer vos affaires ?

E. B. / J’ai une base clients très importante, avec qui je dois garder un contact récurrent, même si nous ne travaillons pas ensemble pendant un certain temps. Je réalise donc des e-mailings et des newsletters pour rester près d’eux !

Par ailleurs, mes fournisseurs utilisent des catalogues électroniques pour présenter leurs produits aux clients. C’est une première façon de valoriser l’offre, complémentaire aux catalogues papier auxquels les clients finaux restent attachés dans le secteur de la décoration intérieure.

E
nfin, les Russes sont friands des réseaux sociaux : LinkedIn, Facebook mais aussi VKontakte (le « Facebook » russe). Des outils qui permettent de garder facilement le contact.

E. / Comment inciteriez-vous un entrepreneur qui hésite encore à s’installer en Russie ?


E. B. / D’aller au-delà des clichés ! C’est un pays très différent de la France et donc parfois difficile à appréhender. Ne serait-ce que d’un point de vue météorologique ! Mais c’est aussi un pays formidable, doté d’une très belle langue et qui évolue de manière intense et dynamique depuis 1991. Quand on commence à découvrir la Russie, on s’aperçoit qu’elle est loin d’être le « grand méchant loup » souvent décrit par les médias internationaux.

Les bons coins

Evangeline Bady a listé pour nous quelques sites d’information pour les entreprises qui souhaitent se développer en Russie.

Du côté des services publics :

l’Ambassade de France 
   www.ambafrance-ru.org/

Ubifrance 
   www.ubifrance.fr/default.html

la Chambre de Commerce et d’Industrie France Russie (CCIFR)
   www.ccifr.ru/

Il existe également des sociétés de conseil privées, spécialisées dans l’accompagnement des entreprises françaises en Russie.

En savoir plus

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