La situation sanitaire, accélérateur de résilience pour les industriels
De nombreuses entreprises dans le monde entier ont rapidement réorienté leurs chaînes de production pour faire face aux pénuries, qu’il s’agisse d’équipements médicaux ou de produits d’hygiène. Ces initiatives solidaires ont fait d’eux des acteurs clés de la lutte contre la Covid-19, tout en leur apportant un revenu complémentaire en cette période de ralentissement de l’activité économique.
Le secteur bénéficiera à long terme de ces innovations et de ces nouvelles collaborations même si, en changeant radicalement leur production, les entreprises ont dû relever des défis, de la conception initiale jusqu’à la fabrication. Pour soutenir les industriels dans leurs démarches, les organismes de réglementation ont dû également faire preuve de souplesse. La Medical and Healthcare Regulatory Agency (MHRA) au Royaume-Uni, par exemple, a publié des instructions concernant les performances « minimales acceptables » pour la conception de ventilateurs.
En outre, des technologies telles que le design numérique et l’impression 3D ont permis aux entreprises de se lancer rapidement dans la fabrication de visières pour les professionnels de santé. À mesure que les industriels ajouteront le mot d’ordre « résilience » dans leurs objectifs, la technologie jouera un rôle encore plus important
Un modèle de production plus flexible
La pandémie a bouleversé les lignes de production et les chaînes d’approvisionnement. À ces difficultés se sont ajoutés les aménagements nécessaires pour garantir la distanciation sociale et la sécurité sanitaire des salariés, alors qu’ils reprenaient le travail sur site après le confinement. Gartner a estimé que jusqu’à la moitié des travailleurs ne sont pas retournés sur leur lieu de travail immédiatement, en raison de ces protocoles. Or, la plupart des usines n’étaient pas entièrement automatisées ou conçues pour être exploitées à distance, ce qui a pu engendrer des blocages et perturber la production.
Les industriels ont donc dû agir très rapidement pour répondre aux nouveaux besoins d’approvisionnement et à l’évolution des comportements des consommateurs. Le cabinet McKinsey considère que les compétences numériques ont été essentielles dans ce domaine, car elles ont offert aux industriels « la flexibilité et la résilience nécessaires pour se mobiliser en zone inconnue ».
Déployer tout le potentiel de l’industrie 4.0
L’industrie 4.0 et l’Internet des objets (IoT) sont essentiels pour améliorer la productivité, l’efficacité, l’agilité des process et finalement, l’expérience client.
Les technologies intelligentes et connectées, notamment grâce à l’automatisation, la communication de machine à machine (M2M), la surveillance des lignes de production, la maintenance prédictive et l’analyse pour prise de décision joueront en effet un rôle déterminant pour fournir aux industriels des données en temps réel. Plusieurs maillons de la chaîne de production seront ainsi révisés pour accélérer la production, changer de ligne de produits, parfaire le contrôle qualité, créer des produits plus personnalisés et réduire les délais.
En fournissant une visibilité en temps réel sur les matières premières, la main-d’œuvre et les produits, l’industrie 4.0 devient un véritable outil d’adaptation et donc, de résilience. L’intelligence artificielle et le learning machine peuvent être exploités pour surveiller et évaluer en permanence et en temps réel les plans de production. La réalité augmentée, quant à elle, accélère la formation aux tâches d’assemblage – y compris les plus complexes –, et à la maintenance des équipements de production.
Pour autant, l’industrie 4.0 n’est pas une solution miracle et s’accompagne de défis pour les industriels, notamment en matière de sécurité. Avec un nombre croissant d’appareils connectés, la protection de la propriété intellectuelle et des informations des clients est cruciale. En outre, se pose la question de la convergence entre l’IT et l’OT qui, jusqu’à présent, fonctionnaient de manière indépendante. Avec une plus grande intégration, les deux doivent collaborer pour garantir un environnement plus sûr.
« La Covid-19 a modifié notre relation au numérique. Là où la digitalisation était une option avant la pandémie, elle est devenue un impératif. Les entreprises doivent accélérer leur passage à l’automatisation des processus, depuis la conception jusqu’aux fonctions support », explique le Dr Marek Rozkrut, coprésident de l’unité des économistes chez EY EMEIA.
Vers une relocalisation partielle ou totale
La nécessité d’être plus résilients et plus réactifs a incité les industriels à s’interroger sur l’origine de fabrication de leurs produits. La Covid-19 a mis en évidence les préoccupations de dépendance vis-à-vis d’autres pays, notamment en matière de transport logistique et de chaînes d’approvisionnement complexes. C’est pourquoi certains secteurs envisagent de relocaliser en partie ou totalement leur production.
Pour les gouvernements, ce retour au local est un moyen de sécuriser les approvisionnements essentiels et d’atteindre certains objectifs environnementaux. Dans une récente enquête EY, 57 % des entreprises ont déclaré qu’elles allaient « mettre davantage l’accent sur la durabilité et le changement climatique ». Par conséquent, 83 % s’attendent à une évolution vers les marchés de proximité et 56 % à un « retournement de la mondialisation » grâce à une restructuration majeure de la chaîne d’approvisionnement en faveur d’une plus grande souplesse.
Pour que les industriels des pays à coûts élevés, en Europe occidentale par exemple, envisagent la délocalisation de proximité, ils devront réduire les coûts de production via l’automatisation. « La robotique permettra d’optimiser les opérations, de réduire les coûts et d’accélérer les process. Des progrès en matière de résilience peuvent nécessiter la restructuration et la diversification de certaines chaînes d’approvisionnement. Toutes ces mesures nécessiteront des changements structurels et des investissements, mais les investissements technologiques devraient s’accélérer », déclare le Dr Marek Rozkrut.
Des chaînes d’approvisionnement intelligentes et connectées
L’une des leçons de la Covid-19 est la nécessité de disposer de chaînes d’approvisionnement résilientes. Pour ce faire, les industriels devront mettre en œuvre et actualiser régulièrement leurs stratégies de gestion des risques et leurs plans de continuité de l’activité.
« Les processus et les outils créés pendant la période de gestion de crise mériteraient d’être répertoriés dans une documentation officielle, avec comme point névralgique un dispositif permanent permettant de surveiller les vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement de manière continue et fiable », déclare McKinsey.
McKinsey estime qu’avec le temps, une collaboration plus étroite entre les fournisseurs peut également contribuer à renforcer l’ensemble de l’écosystème de la chaîne d’approvisionnement.
Dans cette quête de la résilience, EY note que 80 % des dirigeants prévoient de passer à la production optimisée ou à la fabrication additive, qui inclut par exemple le recours à l’impression 3D, pour obtenir des avantages en matière de « vitesse, de coût, de précision et matériaux ». La technologie contribuera également à maintenir les opérations et les chaînes d’approvisionnement ouvertes en améliorant la santé et la sécurité et en réduisant les interactions entre les hommes.
Dans un contexte de distanciation sociale, les industriels devront développer des systèmes privilégiant le numérique. Ils auront besoin d’une meilleure visibilité de leurs opérations, du statut des commandes, des stocks et des chaînes d’approvisionnement pour faire face à toute perturbation. Il faudra en ce sens repenser en profondeur le processus de fabrication et l’innovation technologique tout en renforçant la collaboration tout au long de la chaîne d’approvisionnement.