Quels sont les principaux impacts du numérique sur les bailleurs sociaux et leurs méthodes de travail ?
Corinne Mesnil : Il est important de noter que les bailleurs sociaux ne possèdent pas tous le même niveau de maturité digitale en raison de leur diversité en termes de taille, de ressources, de cultures numériques personnelles et de territoires. Ainsi, le déploiement des outils numériques varie considérablement.
Comme pour d'autres organisations, la crise sanitaire a joué un rôle d'accélérateur. Le télétravail, les réunions à distance et l'équipement élargi de nos collaborateurs ont été des éléments clés. Nous avons ainsi pris conscience du potentiel de la digitalisation de nos processus métiers et de nos relations avec les institutions et les locataires. Un retour en arrière n'est pas envisageable, nous ne pouvons que progresser. Les outils numériques nous rapprochent, que ce soit entre collègues ou avec les locataires.
Jean-Luc Triollet : Je partage ce point de vue. Il est intéressant de noter que certains acteurs avaient anticipé ces évolutions il y a une dizaine d'années. Dans notre cas, nous avons veillé à doter l'ensemble du personnel d'outils digitaux, y compris les collaborateurs sur le terrain, afin de maintenir un lien direct avec l'entreprise via une adresse électronique et un téléphone mobile. Parallèlement, nous avons mis en place un intranet alimenté quotidiennement à la fois par le siège et les acteurs sur le terrain.
L'adoption a été facilitée par des fonctionnalités adaptées aux utilisateurs, telles que la gestion des plannings de vacances, la dématérialisation des états des lieux ou encore les réunions à distance. Les équipes ont ressenti des bénéfices significatifs. Nous avons ainsi généralisé la dématérialisation des réunions internes impliquant du personnel d'agence, ainsi que pour les commissions d'attribution avec les maires, ce qui a permis d'apprécier les gains de temps grâce à la rationalisation des déplacements.
Dans les relations directes avec les locataires, comment le numérique vient-il faciliter les rapports ?
C. M. : Le degré de proximité vis-à-vis du numérique varie également parmi nos publics. C'est pourquoi nous mettons souvent en place des efforts de communication et d'accompagnement lorsque nous lançons un nouveau service ou une nouvelle application. Une fois que ces outils numériques sont bien maîtrisés, tant par nos équipes que par nos locataires, ils deviennent un facteur de proximité en facilitant les échanges entre les locataires et les membres de nos équipes, ainsi qu'au sein de nos équipes.
J.-L. T. : Effectivement, le smartphone est souvent un outil essentiel pour nos locataires, et il joue un rôle central dans la relation numérique. La dématérialisation du dossier locataire illustre bien les avantages que le numérique peut apporter. Pour Val Touraine Habitat, cela permet d'accéder à l'état des lieux dématérialisé, aux quittances de loyers, aux avis de régulation de charges, et bientôt au bail. De même, l'encaissement des loyers par Carte Bleue facilite à la fois la vie des locataires et la gestion. Nous constatons que 75% des règlements sont effectués par cette voie, et nous continuerons à progresser.
Même pour les publics qui ne sont pas connectés et qui ont besoin d'un accompagnement de proximité, le numérique facilite la relation. Par exemple, nous avons mis en place une agence mobile connectée où nos collaborateurs ont accès à tous les outils et ressources nécessaires pour répondre aux attentes des locataires tout en étant à leurs côtés.
Pour vos équipes, quels sont les défis qui découlent de l’emploi du numérique ?
C. M. : La prise de conscience par nos collaborateurs des avantages apportés par les outils numériques dans le cadre de leurs processus métiers joue un rôle déterminant. En tant que dirigeant, notre rôle est de faciliter cette découverte et de faire preuve de pédagogie. Nous constatons également un effet générationnel : l'arrivée de collaborateurs plus jeunes contribue positivement à ces évolutions.
J.-L. T. : Il est effectivement essentiel d'avoir une approche équilibrée. Le numérique ne remplace pas tout, mais l'alliance de l'humain et du numérique peut être très efficace. Un exemple concret est la régularisation des charges, qui peut parfois être difficile en raison de l'augmentation des prix du gaz. Pour la première fois, nous avons envoyé 9 000 SMS aux locataires, leur offrant la possibilité de bénéficier d'un plan d'apurement ou d'un accompagnement. Un simple clic les mettait en relation avec l'agence. Grâce à cela, nous avons pu mettre en place plus de 1 000 plans d'apurement. Il est important de prendre conscience de tout cela et de réfléchir à la manière dont le numérique peut nous aider dans des métiers où les relations humaines sont déterminantes.
La prise en compte des enjeux environnementaux. Comment le numérique est-il un levier de progrès ?
C. M. : En effet, la dématérialisation contribue grandement à réduire l'utilisation du papier, son impression et son envoi. Cela s'applique non seulement aux rapports avec les locataires, mais aussi aux actes de gestion et de gouvernance de nos structures, ainsi qu'aux contrôles de légalité de nos activités. Cela représente un véritable gain environnemental.
J.-L. T. : Le numérique offre des possibilités réelles d'amélioration en matière de consommation d'eau. Sur la base de nos demandes, nos prestataires généralisent les télérelèves et développent des systèmes de détection des fuites grâce au déploiement de capteurs connectés. Cela permet d'obtenir à la fois des bénéfices environnementaux et financiers. Il est important de considérer sérieusement toutes les opportunités offertes par le numérique pour obtenir ce double avantage, par exemple en matière de consommation énergétique.
Quels sont les principaux enjeux liés à la gestion des données pour les bailleurs sociaux ?
J.-L. T. : La gestion de la donnée patrimoniale est au cœur de nos préoccupations. Il est essentiel d'assurer sa qualité dans tous les services et donc sa cohérence entre eux. Cela nécessite avant tout une identification précise de toutes les sources de données utilisées par chaque organisme. Un autre défi consiste à disposer d'outils d'information adaptés aux traitements ou recoupements dont nous avons besoin. Pendant de nombreuses années, des solutions internes ont été privilégiées, mais elles ne sont pas adaptées et manquent de fiabilité. Un renouvellement est en cours dans nos organismes afin d'accéder à des outils qui facilitent la prise de décisions.
C. M. : La protection des données dont nous sommes responsables et l'éthique dans leur traitement sont deux enjeux majeurs. Je peux affirmer que les organismes que nous représentons ont un niveau de pratique élevé dans ce domaine. Les audits sont fréquents et nombreux. Ce qui fait réellement la différence, c'est notamment la sensibilisation, l'état d'esprit des équipes et leur implication quotidienne sur ce sujet, afin de garantir qu'il n'y ait aucun relâchement.
Quel est l'état de vos réflexions concernant l'omniprésence de l'intelligence artificielle ?
J.-L. T. : Il est important de noter que nous sommes actuellement engagés dans une démarche d'information et de sensibilisation, notamment portée par l'Union sociale pour l'habitat. Dans chaque région, nous abordons régulièrement ce sujet et faisons intervenir des universitaires pour nous accompagner dans cette découverte. Cette technologie soulève également des questions d'éthique auxquelles nous devons être conscients. Dans le futur, il sera essentiel d'identifier les cas d'utilisation les plus pertinents pour chacun, en fonction de ses besoins et de ses moyens.
Une technologie / Un bénéfice
Le sms, outil au service de l’efficacité et de la qualité
J.-L. T. : Le numérique apporte de la fluidité en permettant d’avoir un traitement et un suivi de la réclamation informatisé omnicanal, c’est-à-dire qu’il peut être engagé par le locataire aussi bien en agence, par internet, par téléphone. Un système d’information par SMS le tient informé de l’état d’avancement du dossier, de l’intervention de l’entreprise prestataire quand il y a lieu. A la fin, un SMS l’invite à répondre à un questionnaire de satisfaction. Cela permet de reboucler avec les intervenants impliqués et d’assurer un bon niveau de qualité.