L’usage de la donnée, un enjeu de santé publique
D'après une récente étude menée par CSA Research pour Roche France, 5 millions de patients dans le monde sont déjà équipés de dispositifs connectés pour leur suivi médical. En France, on compte 40 millions de Dossiers Pharmaceutiques compilant les prises de médicaments des patients, ce qui représente quelque cinq millions de transactions quotidiennes. Grâce à l’assurance maladie, l'Hexagone possède la plus grande base de données de santé au monde : un hôpital français produirait à lui seul 10 Go de données par an !
Les professionnels de la santé ont bien conscience du potentiel de cette data qui en train de bouleverser non seulement l'étude des maladies, mais aussi l'exercice de la médecine. Le big data devient par exemple une technologie vitale pour une circulation fluide de la donnée renforçant la coordination entre les professionnels de santé. À la clé, une meilleure prise en charge des patients, une mise en commun des savoirs et un travail de recherche facilité pour améliorer la détection des maladies ou les soigner dès leur apparition.
C’est dans cette optique que plusieurs établissements hospitaliers français travaillent à des projets de construction « d’entrepôts de données ». L’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, qui compte 39 établissements, a ainsi mis en place un data center qui abrite aujourd’hui les informations administratives, médicales et sociales de 8 millions de patients. Pour Lyse Brillouet, Directrice du domaine de recherche Digital Société à Orange Labs, « la collecte de données, conjuguée aux capacités de modélisation et à la réalité virtuelle, devrait transformer les formes d’apprentissages et de mise à jour des compétences. Sans oublier toute la recherche autour du génome, de son décodage et de son utilisation. Des enjeux tout à la fois techniques et éthiques ».
Des cas d’usage variés
« Il existe une tendance déjà bien connue qui consiste à calculer soi-même son activité corporelle au quotidien, par le biais de smartphones et autres objets connectés : montres, tensiomètres, etc. », rappelle Lyse Brillouet. « Ce sont les balbutiements d’une gestion nouvelle de son capital santé, une approche qui privilégie le préventif au curatif, qui responsabilise différemment les patients », anticipe la spécialiste.
Les progrès du web des objets et de l’intelligence artificielle, qui met ses capacités de diagnostic au service des médecins en analysant et en apprenant de la donnée, va généraliser ce phénomène de médecine préventive et permettre de mieux traquer la maladie. L'analyse poussée des données physiologiques et des scans oculaires des patients devrait par exemple aider à détecter les signes avant-coureurs d'AVC. Le croisement d’informations sur l'environnement de vie et la mutation des gènes de personnes atteintes de cancers pourrait permettre d’établir des tendances sur l'arrivée et l'évolution de la maladie : la plateforme d’IA Watson for Oncology d’IBM est d’ailleurs déjà utilisée dans les hôpitaux pour identifier des possibilités de traitement des tumeurs. L’IA peut aussi servir à repérer les maladies contagieuses de type Zika, Ebola, ou encore à établir des diagnostics précoces de la maladie d’Alzheimer. Des cas d’usage très variés qui font de la donnée une pièce maitresse de la médecine préventive pour les années à venir.
Quand la machine learning détecte les rhumatismes
Les data scientists d’Orange Labs, en partenariat avec la plateforme e-santé Sanoïa et le service rhumatologie de l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, ont développé un modèle de détection des poussées de rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde et spondylarthrite) fondé sur un outil de Machine Learning interne. Couplé au tracking de l’activité physique, cet outil détecte les poussées de la maladie avec un taux de fiabilité de 96 %. Il permet un suivi plus fin du patient, dans une perspective de télémédecine ou de planification des rendez-vous selon l’activité de la maladie, et met à disposition certaines données du patient en temps réel.