Civic tech : quand le numérique réinvente la démocratie

Alors que les modes de participation citoyenne traditionnels montrent des signes d’essoufflement, la civic tech entend mettre le numérique au service du renouveau démocratique. Zoom sur les outils numériques au service des citoyens qui permettent de réinventer l’action publique.

Mieux intégrer les citoyens dans l’action publique

Le succès médiatique et populaire rencontré par la Convention citoyenne pour le climat, tant par les thématiques abordées que par le caractère inédit de cette consultation, confirme l’envie des Français de vivre une expérience démocratique différente, à l’échelle de la nation comme du territoire. Alors que le fossé entre élus et citoyens continue de se creuser, ces derniers font part d’une volonté grandissante d’être partie prenante des décisions publiques, d’autant plus lorsqu’elles concernent des enjeux aussi essentiels que la vie locale, l’emploi ou la transition écologique.

Or, « le numérique tend à rendre horizontal ce qui était autrefois beaucoup plus vertical », souligne Mouad Agouzoul, Responsable de l’activité Conseil au Secteur Public pour Orange. Le recours grandissant aux outils numériques révolutionne en effet les rapports entre décideurs et citoyens jusque-là tenus à une relation unilatérale. Preuve de leur succès : l’État a lancé en novembre 2019 un Centre de la participation citoyenne, une plateforme à destination des ministères et des services de l’État pour les accompagner dans la mise en place des dispositifs de participation citoyenne et ainsi associer les Français aux décisions publiques.

Réinventer la relation citoyenne via le numérique

Moyen d’information ou levier d’action politique, la civic tech regroupe toute une série d’outils et de dispositifs adaptés. Pour accéder aux différents services d’une ville ou d’une collectivité territoriale par exemple, l’application Ma Ville dans Ma Poche regroupe toutes les informations utiles au quotidien des citoyens : trafic en temps réel, horaires d’ouverture des lieux culturels, menus des cantines scolaires, etc. Par exemple, la métropole de Nantes a co-développé « Nantes dans ma poche » en sollicitant ses habitants, afin de concevoir une application répondant entièrement à leurs besoins.

La civic tech offre également l’opportunité de s’engager davantage dans la vie démocratique en participant à des débats en visioconférence ou des ateliers collaboratifs en live. Pour garantir le caractère public des conseils municipaux, organisés en huis clos pendant le confinement, les mairies se sont organisées pour diffuser la séance en direct et en replay. L’occasion pour les citoyens de participer aux délibérations et d’être parties prenantes du processus de décision sur leur territoire.

D’autres initiatives permettent également de participer à la vie publique et ce, sans avoir besoin de se déplacer. Depuis 2014, la ville de Paris propose à ses habitants de décider comment allouer 5 % du budget d’investissement. Une liste de projets est publiée sur le site budgetparticipatif.paris : culture, solidarité, environnement… Les propositions sont soumises à un vote en ligne, en plus des urnes physiques réparties dans les quartiers de la ville. Un moyen simple de faire participer les citoyens à des projets qui les concernent, tout en établissant un dialogue avec les élus.

L’open data pour rendre l’action publique plus transparente

Si la civic tech offre de nombreuses opportunités en faveur d’une démocratie participative, elle permet également de rendre plus transparente l’action publique en favorisant l’instauration d’un climat de confiance entre élus et citoyens. En ce sens, l’open data joue un rôle central non seulement pour améliorer le fonctionnement démocratique, mais aussi pour rendre plus efficace l’action publique et contribuer à l’attractivité du territoire. Elle peut par exemple aider à montrer que les ressources d’un territoire donné sont utilisées à bon escient ou bien faciliter le suivi des actions des élus. La plateforme france.data-territoire.fr met par exemple à disposition de tous une série de données liées au logement, à l’éducation, aux transports, à la démographie, etc. Celles-ci peuvent servir aux citoyens qui souhaitent plus d’informations sur leur lieu de vie, aux élus qui cherchent à avoir une vision plus globale de leur territoire et proposer de nouveaux services publics, mais aussi aux entreprises pour analyser une zone géographique avant de s’implanter.

Pas de démocratie numérique sans protection des données

Attention toutefois à ce que la civic tech ne devienne pas une agora virtuelle où les données partagées rentrent en conflit avec les impératifs de vie privée et de sécurité nationale. D’après le baromètre CNIL-Médiamétrie des pratiques numériques 2019, 21 % des participants déclarent ne pas répondre à des dispositifs de participation par méfiance envers l’utilisation de leurs données personnelles. Tout l’enjeu sera alors de trouver un équilibre entre partage et confidentialité. En ce sens, la CNIL recommande aux acteurs de la civic tech de travailler ensemble pour définir des bonnes pratiques et établir un code de conduite.