au secours ! Je deviens sponsor d'un projet, comment m'y prendre ?

Dans la littérature sur le management de projet, le rôle de sponsor de projet semble apparaître dans les années 70s. C’est à cette période que le management de projet, jusqu’alors cantonné aux grands projets de construction, du militaire et de l’aéronautique, s’est développé dans toutes les industries et activités. Certaines entreprises se sont alors réorganisées par projet et il est rapidement apparu qu’il n’y avait plus assez de leaders dans le business pour conduire directement tous les projets. Ces leaders devaient s’appuyer sur des chefs de projets, les « Project Managers (PM) » plus opérationnels tout en conservant le rôle de sponsor business et la responsabilité ultime du projet.

Pour celui qui est déjà chef de projet, devenir sponsor de projet revient à passer de l’autre coté du miroir. Le chef de projet que je suis a des attentes très fortes (mais tout de même lucides) de ses sponsors. Si je devenais sponsor à mon tour, quelles seraient mes premières préoccupations ? Quelles devraient-elles être ?

Certainement en premier lieu de bien définir mon rôle et mes attentes envers le PM, au même titre qu’il ou elle aura des attentes de ce que je peux lui apporter. Il est donc primordial d’établir une relation de confiance entre nous qui soit basée sur des rôles et responsabilités clairement définis et agréés, avec des communications régulières, et des règles de vie.

Essayons à travers les quelques éléments suivant de mieux dessiner les contours de ce rôle de sponsor.

je suis un champion métier/business légitime

Afin de remplir pleinement sa fonction, le sponsor doit être écouté et reconnu de ses pairs dans le business et de son management. Il est donc critique que je prenne contact avec les parties prenantes du projet: les "stakeholders". J'ai besoin de bien cerner leurs attentes du projet, leur niveau d'implication nécessaire, et d'écouter leurs points de vue. Il sera en particulier nécessaire d'obtenir un accès à leurs experts du domaine pour lequel œuvre le projet et de bien comprendre les tenants et les aboutissants de la problématique à adresser.

je fournis direction et soutien décisionnel

Voici l'un de mes rôles clés de sponsor. Il s'agit de donner une direction et un support managérial au chef de projet. Il est donc impératif que j'ai une excellente et très claire vue d'ensemble des objectifs du projet et que je sois capable de les articuler et de les communiquer simplement et efficacement. Et ceci ; vers toutes les parties prenantes: le chef de projet et son équipe bien sûr, mais aussi le management de mon entreprise, y compris ou peut-être même en particulier vers ceux qui semblent moins impactés mais qui détiennent une grande influence dans la société (pas toujours les plus hauts placés).

je revois et approuve plans et livrables

Au-delà de l'adéquation des livrables et plans de projet avec les objectifs concrets du projet que nous avons établis avec les parties prenantes, mon rôle de sponsor est d'améliorer ces livrables et de les approuver formellement. Les meilleurs sponsors que j'ai eu en tant que PM, avaient la capacité de voir plus loin que les livrables en eux-mêmes. Ils percevaient à l'avance comment ces produits seraient accueillis car ils connaissaient les attentes des divers "stakeholders". Ils savaient anticiper les éventuelles réactions négatives et les prévenir, souvent par des modifications cosmétiques en apparence mais qui faisaient la différence. Ils avaient toujours un ou deux coups d'avance dans leur réflexion par rapport à mon focus de chef de projet qui est nécessairement plus opérationnel.

je m'assure de la disponibilité des ressources (y compris la  mienne)

Je me montrerai exigent, voire intransigeant sur la mise à disposition dans les temps des ressources promises à l'équipe projet pour réussir. Comment être sévère sur toute dérive du projet si les moyens agréés ne sont pas fournis? Le plus difficile risque d'être ma propre disponibilité envers le chef de projet. Elle doit être facile à obtenir, sans délais, et surtout 100% de mon attention doit être dédié au projet dans ces occasions de rencontre.

j'élimine les obstacles

En sus de fournir les ressources nécessaires, j'ai le devoir d'intervenir efficacement pour débloquer les situations complexes ou les crises que le PM, malgré tous ses efforts, ne saurait résoudre. Il ne s'agit pas de déresponsabiliser le PM mais au contraire de lui fournir le support dont il a besoin quand cela est nécessaire.

j'établis et tranche sur les priorités

Que devons-nous faire ?  Décaler une mise en production de quelques jours pour finaliser les tests ou livrer coûte que coûte à la date promise ? Le PM saura me fournir les arguments pour et contre sur ces deux alternatives, et éventuellement sa recommandation. La décision m'en reviendra et je devrai prendre en compte à la fois les objectifs et impératifs business, les impacts opérationnels et commerciaux, les attentes des "stakeholders"... Ce type de décision ne saurait être remis et, souvent, pas de décision est pire que de faire une erreur que l'on corrigera plus tard.

j'examine régulièrement l'état d'avancement

Une combinaison de réunions formelles et informelles me semble une bonne base d'efficacité. Le coté formel des comités de projet et autres revues de jalons et de documents est nécessaire mais souvent insuffisant. En effet, ce n'est pas en lisant un rapport ou en écoutant un laïus de présentation bien rodé que l'on perçoit ce qui se passe réellement. Il faut lire entre les lignes, comprendre les non-dits, les intangibles, apprécier les difficultés du PM et avoir une vraie relation humaine. Dans mes projets passés, de brèves sessions de 30 minutes mais fréquentes et régulières (hebdomadaires) m'ont paru être les plus efficaces.

je promeus une communication franche et ouverte

Pour avoir l'info vitale, y compris les mauvaises nouvelles difficiles à entendre, il faut que de mon coté je sois franc et ouvert avec le PM. Communiquer sans tabou ni agenda caché est un pré-requis. Hormis certaines informations de nature à mettre à risque la société au plan légal (certaines infos financières par exemple, ou des réorganisations et acquisitions), tout peut être expliqué avec un peu d'intelligence et de confiance.

je fournis des standards de performance

Être ouvert et approchable ne signifie pas être permissif. Mes meilleurs sponsors étaient intransigeants envers moi et mon équipe. J'avais très clairement leur support et je savais parfaitement ce qu'ils attendaient de moi. Nous avions de hauts standards de qualité et de performance et ils étaient partagés.

je développe une organisation qui apprend de ses erreurs et de ses réussites

Enfin, en tant que sponsor d'un projet important de la société et donc membre du senior management, je me dois de développer les compétences et le savoir-faire des ressources qui me sont confiées et m'assurer que les leçons apprises bénéficieront aux futurs projets.

Michel

Michel Operto

I've been leading IT projects for more than 20 years at telecom and computer manufacturers: Thomson Sintra, Digital Equipment, NCR, Nortel Networks, Orange Business. My passion is Project Management and leadership and I run a blog on the PM best practices at http://dantotsupm.com/