Aujourd’hui, l’avènement de la société numérique vient retourner la terre et ses certitudes. D’un côté le numérique facilite un mouvement vers une meilleure traçabilité, de nouveaux modes de distribution, plus respectueux et locaux. De l’autre, les nouvelles technologies permettent une optimisation de la culture à grande échelle et une intensification de la production. L’apport du numérique dans l’agriculture est ambigu. Cependant une chose est sûre : toute la chaîne de valeur, de la production à la consommation, est durablement touchée.
Culture : un bond en avant technologique
Tordons déjà le coup aux préjugés : les agriculteurs sont de gros consommateurs de nouvelles technologies. L’excellente étude de Renaissance Numérique à ce sujet va jusqu’à les qualifier d’early adopters, chiffres à l’appui. En effet, 9 agriculteurs sur 10 font leurs démarches administratives de la PAC en ligne, plus de 400 applications mobiles se donnent pour mission d’assister les éleveurs et la moitié des tracteurs céréaliers en service sont équipés de GPS.
Du point de vue des métiers, le numérique transforme - et transformera - profondément les pratiques agricoles. Drones agricoles et capteurs se multiplient pour surveiller et monitorer. Yamaha affirme ainsi que 2500 drones sont déjà en service au Japon et survolent les rizières. Quant à l’agriculture de précision, elle se développe autour du déploiement de capteurs qui permettent d’optimiser la production comme la gestion du matériel. Ainsi, le système “ProCut” de John Deere mesure en permanence l’état des lames de ses ensileuses, facilitant l’intervention rapide de l’exploitant.
Au-delà de la facilitation, le développement des technologies numériques va dans le sens d’une optimisation de la production. L’irrigation offre sans doute l’exemple le plus parlant. Grâce à des capteurs capables de déterminer la quantité optimale d’eau nécessaire sur telle ou telle parcelle, les effets sont doublement bénéfiques. D’un côté on évite le gaspillage d’une ressource de plus en plus précieuse, de l’autre on améliore les rendements et la qualité des récoltes.
Et ces dispositifs ne sont plus uniquement réservés aux grandes exploitations fortunées. CropX, une startup soutenue par Eric Schmidt, veut ainsi rendre accessible cette technologie en se basant sur des capteurs peu coûteux et une simple application mobile. Cette infrastructure légère, couplée aux efforts d’acteurs comme Orange pour optimiser la couverture réseau, sont un nouveau pas en avant vers une agriculture connectée et accessible, et une résorption de la fracture numérique.
Distribution : les chaînes de valeur traditionnelles mises en cause
Du producteur au consommateur. Voici l’enjeu majeur de la distribution résumé en quatre mots. En effet, les outils numériques ont permis l’explosion des circuits courts, qui transforment en profondeur le métier d’agriculteur et les habitudes de consommation. Selon un récent sondage JA MRJC, cité dans un rapport à l’Assemblée, 72% des jeunes agriculteurs en formation souhaitent se tourner vers les circuits courts et 21% des exploitants écoulent déjà une partie de leur production de cette manière.
Le plus célèbre exemple français associant nouveaux modes de distribution et numérique est sans conteste La Ruche Qui Dit Oui. Créée en 2010, cette plateforme facilite la mise en relation de producteurs et consommateurs contre le prélèvement d’une commission. On compte aujourd’hui plus de 700 “ruches” en France pour un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros en 2014. Ce succès a entraîné l’éclosion de toute une série de nouveaux acteurs, parfois eux même producteurs tels que Ahlavache.fr ou nature-regions.com. Un succès foudroyant qui a également conduit à la grogne des AMAPS, qui voient dans La Ruche Qui Dit Oui une ré-intermédiation plutôt qu’une désintermédiation.
Quelle que soit leur forme, les circuits courts obligent les agriculteurs à repenser leur métier. De simples producteurs ils deviennent distributeurs, ce qui implique des compétences commerciales, d’ingénierie, de logistique… Ils transforment également les modes de consommation du dernier maillon de la chaine : les consommateurs.
Consommation : retrouver traçabilité et confiance
L’assiette reste la destination finale d’une grande majorité des cultures et élevages. Et une nouvelle fois, le numérique imprime sa marque sur nos manières de consommer.
Le monde de l’alimentation fait aujourd’hui face à une pénurie de confiance. Selon une étude TNS Sofres de 2013, 60% des français souhaitent que les entreprises fassent porter leurs efforts sur la traçabilité. En outre, selon une étude IPSOS de 2013, 70 % des consommateurs se disent inquiets de ne pas réussir à conserver une alimentation saine.
Face à ce phénomène, les initiatives dites C2C, ou de consommateurs à consommateurs, offrent des solutions. Ainsi, l’application Open Food Facts rassemble des informations de base sur près de 40 000 produits sans être adossée à un grand groupe. Dans le même ordre d’idée, les moyens de communication numériques permettent un meilleur partage de l’information : on compte ainsi plus de 100 000 tweets “glutenfree” publiés chaque mois sur Twitter nous indique Renaissance Numérique !
Le monde de l’agriculture, comme la plupart des domaines, vit aujourd’hui ce que l’expression consacrée nomme “révolution numérique”. Du pré à l’assiette, de la culture à la consommation, les différents acteurs doivent s’adapter à une nouvelle donne. Va-t-on aller vers un numérique qui favorise les grandes exploitations, capables d’investir au détriment des petits exploitants ? Ou va-t-on voir une reconquête de la part des producteurs et consommateurs sur ce qu’ils cultivent, ce qu’ils vendent et ce qu’ils mangent ? Le futur est ouvert ...
Guillaume
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Ancien chef de projet spécialisé dans la stratégie de contenus, le design d’expérience et la prospective, j’ai fait mes armes chez Fabernovel avant de créer mon entreprise de digital storytelling. Transformations médiatiques, culture numérique, prospective, et économie du Web forment le cœur de mon expertise.