outils collaboratifs : quelles clés feront leur adoption ? Part.2 : partir sur de bonnes bases

Dans l’article précédent, nous introduisions le sujet en dénonçant l’étonnement concernant la réussite de seulement 10% des projets de réseau social d’entreprise, avant d’entamer les mécanismes psycho-sociaux de la collaboration. Continuons sur cette lancée avant de passer aux aspects plus pratico-pratiques.

pensez « confiance », vivez « confiance », respirez « confiance »

Faisons un petit test : auxquelles des situations suivantes pouvez-vous répondre par l’affirmative ?

  1. Je n’ai pas osé donner une pièce à un individu faisant la manche dans le métro, ne sachant pas si c’était réellement pour pouvoir subvenir à ses besoins ou potentiellement une arnaque.
  2. Ne sachant pas à qui j’avais affaire, je n’ai pas osé emmener une personne inconnue qui faisait du stop au bord de la route.
  3. Lors de la rentrée des classes, je suis arrivé en avance et j’ai attendu devant la grille pendant un quart d’heure, avec des inconnus dans la même situation que moi, sans leur adresser la parole. Il s’est avéré que ces personnes furent par la suite mes camarades.

Rejouons ces scènes à l’envers, et demandez-vous si les réponses apportées précédemment seraient les mêmes dans un cadre légèrement différent :

  1. Je suis allé dans un centre d’aide aux sans-abris, et le(la) gérant(e) m’a présenté les investissements réalisés l’an passé grâce aux dons. Il/elle m’a invité à faire un don pour pouvoir continuer ce travail.
  2. J’ai déjà eu l’occasion de dépanner une personne, qu’un ami m’avait présenté le soir même, en la ramenant chez elle.
  3. Lors d’une soirée chez un ami, j’ai eu l’occasion de faire connaissance avec des personnes qu’on m’a présenté, voire même de les tutoyer spontanément.

Quelle différence entre ces deux séries de situations ? La mise en relation a été déterminante pour entamer une communication plus persuasive, et a donc permis de créer de la confiance, indispensable à toute forme de collaboration.

Conclusion : la collaboration ne peut se faire sans confiance. Elle peut parfois mettre du temps à s’établir, mais peut rapidement se perdre. Et une fois la confiance perdue, il est généralement très difficile, voire impossible, de la reconquérir. La confiance est donc une chose essentielle et indispensable.

De fait, soyez avant tout vous-même, restez naturel, développez la confiance et ne la perdez surtout pas ! Tout comme la confiance, la collaboration ne se décrète pas, elle se crée et s’entretient.

telle la prose pour monsieur Jourdain, la collaboration est partout, même là où on ne la perçoit pas

Vous vous demandez à quel moment la notion de collaboration intervient dans les exemples cités précédemment ? Si nous analysons ces situations un peu plus dans le détail, nous retrouvons ses composantes et mécanismes de base :

  • Je donne à une association qui aide les personnes dans le besoin (objectif à atteindre + nécessité) car cela me fait plaisir (plaisir), mais je sais que cela sera bien utilisé (confiance).
  • Je suis prêt à ramener chez lui (objectif à atteindre) quelqu’un qui me l’a demandé (communication + coopération + coordination) avec qui j’ai apprécié passer une soirée (plaisir), car cela lui rend service (nécessité) et que je sais que je ne risque rien (confiance).
  • Je me présente aux autres participants à la soirée (communication) organisée par mon ami (confiance), car je ne compte pas passer la soirée dans mon coin (nécessité) et que j’ai envie de m’amuser (objectif à atteindre + plaisir). Ils se présentent à leur tour (coopération) de la même manière (coordination).
  • Etc.

les aspects pratico-pratiques dans les projets professionnels complexes

Nous venons de voir que, sans la percevoir, la collaboration s’observe en réalité dans de nombreuses scènes de la vie quotidienne amenant des interactions. Mais dans les projets professionnels bien plus complexes, quelles recommandations peut-on émettre d’un point de vue pratico-pratique ? Reprenons les aspects technique, humain et organisationnel.

choisissez un outil adapté…

C’est bien connu : un bon ouvrier a de bons outils. Alors pourquoi un mécanicien aurait-il droit à du Facom, pendant que les cols blancs devraient se contenter de logiciels low cost ?

Admettons que vous deviez (pour des raisons pratiques) partir (loin) en vacances et en voiture : hésiteriez-vous de la même manière selon si on vous propose une 308 neuve ou une vieille 405 avec 300000km au compteur ?

Et bien, c’est exactement pareil pour les plates-formes communautaires ! L’expérience utilisateur (et donc l’intention d’utiliser) ne sera clairement pas la même selon qu’on ait à :

  • utiliser un pure player RSE, ergonomique, dénué de bugs et accessible en mode SaaS et sur mobile
  • subir un CRM tiraillé pour en faire un pseudo-RSE, uniquement accessible en intranet avec certaines configurations logiciels/réseau, le tout avec des temps de chargement de 5 secondes…

…et qui constitue le juste nécessaire

Imaginons une société de transport, qui assure des services de livraison de 3 types :

  1. acheminement longue distance de palettes pour des usines, sur des gros volumes.
  2. livraison de colis pour des particuliers.
  3. services rapides, pour petits colis sur faibles distances en milieu urbain (de type « coursier »).

L’entreprise doit renouveler sa flotte de véhicules. Parmi ces deux propositions, laquelle vous semble la plus logique ?

  • S’orienter vers des semi-remorques pour l’activité n°1, des utilitaires pour l’activité n°2 et des scooters pour l’activité n°3, de manière à outiller chaque activité avec les outils les plus adaptés.
  • N’acheter qu’un seul type de véhicule pouvant globalement couvrir les besoins de chaque activité (par exemple un camping-car), en espérant tirer un meilleur prix de gros, quitte à devoir jouer à « Monster Garage ».

Naturellement, j’imagine que vous opteriez pour la première solution. Malheureusement, il semble que ce ne soit pas le cas de nombreux DSI…

Nous en revenons une fois de plus à la problématique du couteau-suisse… Permettez-moi de citer quelques chiffres issus d’un sondage réalisé dans le cadre d’un projet interne auprès de gestionnaires d’espaces Sharepoint Collaboration :

  • 70% n’utilisent jamais le forum de discussion, 40% ne savent pas que cette fonctionnalité existe et seulement 13% avouent la maîtriser.
  • 98% connaissent la fonctionnalité « documents partagés » et 77% l’utilisent une ou plusieurs fois par semaine, mais seulement 43% avouent maitriser son fonctionnement.

Le constat est sans appel : dans la grande majorité des cas, les gestionnaires d’espace collaboratif prennent le gabarit qui leur est fourni par défaut et ne cherchent pas à le personnaliser. D’où le grand intérêt du couteau-suisse…

adoptez la « parcours utilisateur attitude »

Il est souvent rappelé que la technologie doit être au service de l’utilisateur, et pas l’inverse. Si vous commencez votre démarche par « j’ai besoin de mettre en place un espace de partage documentaire + un forum pour échanger + un bloc de liens pour renvoyer vers des articles d’intranet ou de veille », alors c’est que vous avez échoué.

Il est tout à fait possible de publier des documents dans une bibliothèque de documents, ou de les mettre dans des pièces jointes de forum, ou d’article de blog. Idem pour les liens. Il est également possible d’échanger dans des commentaires de blog autant que dans un forum… Il existe donc de nombreuses manières de publier techniquement un certain format de contenu.

Il y a certes des fonctionnalités plus adaptées que d’autres si nous les prenons séparément. Mais dans un contexte global, il est parfois plus astucieux de limiter volontairement le nombre de fonctionnalités pour privilégier la lisibilité et la simplicité d’usage. Par expérience, il vaut mieux avoir un seul flux d’information filtrable que plusieurs pages thématiques calquées sur le même format ; l’utilisateur n’a qu’un seul fil d’activité à surveiller et un seul format à maîtriser, ce qui facilite grandement son travail.

Prenez le temps de la réflexion et ne vous formatez pas en fonction de l’outil. Etablissez plutôt une liste des typologies de contributions :

  • Quelle nature (sur le fond) ?
  • Qui sera amené à les publier (uniquement les animateurs ou tout le monde) ?
  • Quelle sera la fréquence moyenne des publications ?
  • Ces contributions seront-elles commentables ?
  • Ce contenu doit-il être requêtable pour être affiché sur un portail éditorial ?
  • Y’a-t-il besoin de pouvoir filtrer ces contributions ?

Avec le temps, j’ai pu constater que le format blog était souvent le plus passe-partout dans bien des contextes. C’est aussi celui qui sert de base dans de nombreux outils. A vous d’en juger… L’important est de garder à l’esprit que la plate-forme doit avant tout être un outil opérationnel, permettant de contribuer aussi facilement que possible. Rappelez-vous, moins il y a d’efforts à fournir et plus on a de chance d’obtenir des contributions.

Dans le prochain épisode, nous aborderons quelques bonnes pratiques pour l’animateur de communauté en ligne.

Alan

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Alan Boglietti
Alan Boglietti

Après plus de 8 ans de collaboration au sein du Groupe Orange en tant que consultant spécialisé dans les domaines du web, du travail collaboratif et des réseaux sociaux d’entreprise, vous pouvez continuer à suivre mon parcours sur http://alan-boglietti.net