Nous assistons aujourd’hui à la naissance de multiples nouveaux métiers : data scientist, directeur digital, Data Officer… Est-ce à dire que les métiers traditionnels sont lentement mais sûrement voués à l’extinction ? A vrai dire, nous aurons toujours besoin de taxis et de maçons dans le futur. A moins que l’on arrive à automatiser les premiers et imprimer nos maisons en 3D… Soyons honnêtes, malgré toutes les conjectures, nous ne savons pas ce qu’il va advenir du travail, ni quels métiers nous exercerons dans le futur. Ce que nous pouvons faire en revanche, c’est identifier les grandes lignes de fuite pour traverser au mieux la tempête qui s’annonce.
Economie numérique : révolution industrielle et reconfiguration
Comme l’illustre ce graphique de BlackRock, le monde n’a jamais adopté aussi rapidement les nouvelles technologies. Une accélération que l’on impute à la fameuse révolution numérique, sorte de mille-feuille du futur à trois étages : le hardware (les objets), le software (l’intelligence logicielle) et nos usages. Quel que soit l’étage, ces innovations sont souvent dites “de rupture”. Autrement dit, leur arrivée sur le marché bouleverse complètement les modèles en place, à l’échelle de tout un secteur économique et souvent à l’échelle du monde... A tel point que l’on ne sait plus quels termes inventer pour raconter les ruptures à répétition que nous vivons depuis quelques années : softwarisation, disruption, uberisation...
Conséquence directe, les métiers naissent et meurent plus vite que jamais. Ces dix dernières années ont ainsi vu l'émergence de postes désormais largement intégrés aux organisations. Arrêtons-nous sur deux des plus emblématiques : le community manager et le data scientist.
Le premier est le rejeton d’un bouleversement digne du téléphone pour les relations humaines : les réseaux sociaux. Le community manager prend en charge la voix d’une entreprise sur Internet. Il s’attache à faire fructifier les échanges en ligne de la marque, du média ou de l’institution qu’il représente. Il a également pour mission de modérer ces échanges. Ce métier, mélange de médiation, de relation client et de marketing est aujourd’hui exercé par près de 110 000 personnes dans le monde contre 53 000 en 2013.
Les data scientists sont sans doute un peu moins répandus mais promis à un avenir radieux. La collecte, le traitement et la valorisation des données sont en effet au cœur des enjeux de l’économie numérique. Le data scientist, entre informatique et statistique, est celui qui sait utiliser ce nouveau carburant pour machines connectées. Ainsi, il sera en mesure de concevoir un algorithme de recommandation pour Vente Privée, un logiciel de traitement de l’image pour Tesla sans pilote ou un outil de suivi de performances pour matériel agricole chez John Deere !
Bien sûr, les nouveaux métiers du digital sont très nombreux, et notre objectif ici est d’en analyser l’évolution générale plutôt que d’en faire le panorama exhaustif. Cependant pour ceux que cela intéresse, je vous renvoie à cette belle cartographie.
Des intitulés fantasques pour annoncer la fin du métier unique
Après avoir brièvement décrit quelques-uns de ces nouveaux métiers, un constat s’impose : ils se construisent en patchwork de compétences en fonction de l’évolution - très rapide - des pratiques et des outils numériques. Ils n’existaient pas il y a 10 ans et il est légitime de se demander s’ils existeront dans 10 ans. Prenons notre emblématique community manager. En 2007, il s’agissait d’être un bon concepteur/rédacteur, empathique et proche d’un rôle de relation client. Aujourd’hui, avec l’évolution des outils et des attentes, il s’agit d’être média planner, capable d’utiliser les outils de publicité des réseaux sociaux, mais également graphiste pour répondre au développement des formats visuels tout un intégrant les logiques d’e-commerce que les principales plateformes tentent de pousser. Une gageure.
Il en va de même pour des métiers plus anciens qui traversent aujourd’hui une période de turbulences. Les DSI (Direction des Systèmes d'Information) sont particulièrement touchées par la transformation numérique. L’époque dédiée à l'entretien d’un parc informatique relativement stable est révolue. L’entrée fracassante du digital au cœur des modèles économiques dans de nombreuses industries, l’obsolescence rapide des nouvelles technologies et l’émergence de pôles numériques parfois concurrents changent la donne. Le métier de DSI est aujourd’hui condamné à évoluer vers une dimension stratégique de conseil en infrastructure avec souvent un fort impact sur l’expérience client !
Ce phénomène de mutation rapide est tel que l’on ne sait plus quel nom donner à nos professions, mosaïques complexes d’expertises mouvantes. L’imagination dans ce domaine est sans limites. Ainsi, growth hacker, social media Guru, Digital Storyteller (c’est le mien !) sont autant de titres qui donnent des indications sur le domaine d’expertise mais ne couvrent pas exactement des compétences communes.
Derrière ce folklore c’est la remise en cause du métier “total” et unique qui émerge, illustré par la célèbre citation de Seth Godin. “Mon grand-père a fait le même travail toute sa vie, mon père a eu 7 emplois différents tout au long de sa carrière, et moi j'ai 7 emplois en même temps”.
Kaléidoscope de compétences et “softskills”, le job à la carte
Si le diplôme reste en 2015 un outil puissant pour accéder au monde du travail, la palette de savoir-faire présentée par un candidat l’est encore plus. A la manière d’un personnage de jeux vidéo qui doit débloquer intelligemment les bonnes compétences pour atteindre son objectif, le professionnel moderne doit être capable de se constituer une identité professionnelle adaptée à ses objectifs, par petites touches. Pour identifier ce phénomène, on parle aujourd’hui d’une génération “slashers”. Si le terme est une nouvelle fois jargonnant, il n’en illustre pas moins une manière de se présenter, en séparant chaque compétence ou trait saillant par un “slash “/”.
Cette construction kaléidoscopique d’un profil ne s’arrête pas aux compétences dites « dures ». Dans un monde de plus en plus tertiaire, les « softskills » ou compétences relationnelles sont recherchées par les recruteurs. L'écoute, la pédagogie, l'empathie, l'adaptabilité, la créativité, la gestion du stress sont ainsi évaluées.
Pour parler d’une personne aux multiples compétences, il existe un proverbe libyen qui dit “à chaque doigt son métier”. Il semble que cette injonction à la polyvalence est en passe de devenir de plus en plus centrale aujourd’hui.
Guillaume LADVIE
Pour aller plus loin
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Ancien chef de projet spécialisé dans la stratégie de contenus, le design d’expérience et la prospective, j’ai fait mes armes chez Fabernovel avant de créer mon entreprise de digital storytelling. Transformations médiatiques, culture numérique, prospective, et économie du Web forment le cœur de mon expertise.