La génération Y - portrait

La conférence Digital Natives : mythes ou réalité, initialement prévue le 22 octobre, aura donc bien lieu le

Continuons d'enrichir le débat sur ce passionnant sujet autour de la génération Y; Anca Boboc Sociologue chez Orange Labs, et spécialiste des usages grand public et en entreprise, nous livre quelques éléments clés pour comprendre ce qu'est cette Génération Y. Ces éléments sont issus de l'étude qu'elle a co-dirigé sur cette population.

Le discours autour de la Génération Y, très prégnant en marketing ou en ressources humaines, soutient que ces jeunes avec des « compétences innées » en matière de TIC, vont bouleverser le monde de l'entreprise.
La « Génération Y » regroupe des jeunes nés entre 1980 et 1990 (voire 1995 selon certains auteurs). Sa principale spécificité serait le fait que ses membres aient évolué dans un environnement fortement marqué par l'utilisation des TIC.

Elle est appelée "Y" parce qu'elle suit la génération "X" qui regroupe des personnes nées entre 1960 et 1980. Celle-ci suit, à son tour, les baby boomers, nommés ainsi pour avoir reconstruit la société après la guerre.

Par rapport à eux, la Gén X ne vit que dans une société de consommation, d'où son image de génération "anonyme", "X". Il existe plusieurs appellations pour désigner les "Gén Y" : "Digital Natives", "Millennials", "Echo Boomers", "Net Generation, "Next Gen" etc.

Nous avons mobilisé différents types de données publiques et mené une enquête qualitative pour mieux comprendre les impacts dans l'entreprise de ces jeunes qui entrent actuellement dans la vie professionnelle.
Notre enquête a porté sur une trentaine de jeunes actifs en emploi, tous nés après 1980, avec des profils très variés, plutôt autonomes dans leur travail et ayant des pratiques de communication riches.

Notons que, actuellement, en France :
  • 9 millions de personnes sont nées entre 1980 et 1990,
  • seulement 55% des jeunes nés entre 1980 et 1990 occupent un emploi,
  • environ 1 actif occupé sur 5 est "digital native" ; parmi ces "digital natives" seulement 9% sont des cadres.

Une rupture importante qui caractérise ces jeunes nés après 1980 est l'installation massive dans une situation de fragilité économique. Le lien à l'entreprise a encore un caractère fragile et temporaire (stages, CDD, contrats d'apprentissages) pour 42% des actifs occupés de la Génération Y et le taux de chômage des jeunes continue à s'accentuer.

En fait, nous assistons à l'augmentation du nombre de jeunes diplômés par rapport aux générations précédentes, ce qui conduit à un phénomène de déclassement du travail.
Du point de vue de la place qu'ils accordent au travail, le discours nous présente ces jeunes de la Génération Y comme mettant le travail au deuxième plan et comme étant individualistes, avec une forte propension au changement.
La situation économique pousse effectivement les jeunes à se détacher du travail, mais néanmoins, l'épanouissement dans le travail reste au centre de leur construction identitaire. L'instabilité de leur environnement explique les horizons temporels courts qui caractérisent, par exemple, leurs attitudes au travail.

Par rapport aux générations précédentes, les jeunes de la Génération Y sont en quête d'une réciprocité négociée avec l'entreprise à plus court terme : ils souhaitent avoir des retours rapides pour leurs investissements vis-à-vis de l'entreprise. Leur rapport au collectif est orienté vers un "individualisme coopératif" .

Autrement dit, les jeunes réclament une marge importante d'autonomie dans le travail, mais aussi une quête de complémentarité des compétences et des modes relationnels, plus directs (y compris au niveau managérial). Nous sommes dans ce cas face à des mutations profondes du monde du travail et pas seulement face à un effet qui caractériserait cette génération en particulier. Le discours nous les présente aussi souvent comme mélangeant vie privée et professionnelle jusqu'à la confusion.

En effet, les jeunes de la Génération Y semblent rechercher un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle par rapport aux générations précédentes :

  • accent mis sur la possibilité d'adapter les horaires à la vie privée,
  • souhait de télétravailler ponctuellement,
  • intérêt pour les dispositifs permettant de moduler la place du travail dans leur parcours de vie (ex. congé parental).

L'arrivée dans l'entreprise des jeunes correspond à un moment particulier de leur cycle de vie, où les sphères privées et professionnelles sont en cours de construction :

  • pas encore de contraintes professionnelles fortes (car pas encore des responsabilités importantes dans l'entreprise),
  • pas encore non plus de contraintes personnelles (car, souvent, ils n'ont pas encore fondé une famille).

Par conséquent, une première tendance qui les caractéris en arrivant dans l'entreprise est de séparer vie privée et professionnelle et non pas de confondre ces deux sphères.
De ce point de vue, nous sommes, peut-être, plus devant un effet d'âge que devant un effet générationnel.

En ce qui concerne la diffusion des pratiques TIC innovantes dans l'entreprise, un des résultats importants de notre enquête est que ces jeunes représentent un potentiel en matière de pratiques de communication pour l'entreprise puisqu'ils peuvent emporter localement, au niveau de leur collectif de travail, des pratiques de communication de la sphère privée vers la sphère professionnelle.

Deux éléments principaux expliquent ces transferts opérés par les jeunes de la Génération Y :

  • ils sont plus équipés en TIC dans la sphère privée que dans la sphère professionnelle
  • nouveaux arrivants dans l'entreprise, ils ont un faible réseau social qu'ils cherchent à renforcer en utilisant les TIC comme objet d'échange avec leurs collègues plus expérimentés.
Mais les jeunes ne pourront pas "bouleverser" seuls les processus de l'entreprise.

La coopération intergénérationnelle est nécessaire pour que ces pratiques de communication innovantes soient diffusées plus largement au niveau de l'entreprise : les Gén Y contribuent à l'introduction extensive du web 2 en entreprise, mais les impacts productifs résultent de l'intervention des Gén X (qui ont, eux aussi, des pratiques très intensives de TIC en entreprise)

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