Le mobile, l'écoute et le sens

Avant d’être technologique, le digital est d’abord une affaire humaine. Cela devient un lieu commun de le dire. Pourtant, dans le domaine du marketing numérique, l’empathie joue elle aussi un rôle plus important.

« Un acheteur est d’abord un être humain » et « le fond [passe] avant le buzz ». Slogan ou véritable déclaration d’intention ? Probablement un peu des deux. C’est en tout cas un principe affirmé haut et fort par Philipp Schmidt, directeur exécutif de la régie Prisma Média Solution, dans un très ingénieux film projeté lors du récent Hub Forum. (15ème minute sur le replay visionnable ici).

Le contenu : une affaire de fond

Pour faire du fond, il faut non seulement travailler le ton, le format, l’accroche, mais il faut surtout se préoccuper du sens et répondre si possible à un besoin véritable. Face à la montée en puissance des Adblockers, les marques n’ont plus le choix : la publicité doit muter, passer de l’intrusion à l’échange et à la discussion ; se faire utile plutôt que mercantile. Elle doit surtout devenir ultra-ciblée et personnalisée, viser un individu plutôt qu’un panel. Dans un océan de contenus, les marques doivent plus que jamais susciter l’attention et remporter l’adhésion.

Question à mille euros : qu’est-ce qui provoque cette prise de conscience, parfois présentée comme une révélation ? La réponse nous est donnée par Laurent Solly, lui aussi présent au dernier Hub Forum. (Replay disponible ici). Pour le président de Facebook France, en réalisant « l’alliance entre la technologie et la multitude », le mobile bouleverse en profondeur la communication des marques. Dès 2017, le mobile deviendra le premier support de diffusion médiatique au monde. Et donc, le premier support publicitaire mondial. Désormais, les marques s’adressent à l’individu qui se tient derrière son portable.

Pas de pub sans mobile

Il faut dire que le géant mondial a des arguments, chiffres à l’appui. En 2015, Facebook et ses différentes plateformes regroupent :

  • 1,4 milliard d’utilisateurs sur Facebook (+ 190 millions en 2015)
  • 900 millions d’utilisateurs sur WhatsApp (+100 millions en 2015)
  • 850 millions d’utilisateurs sur les groupes Facebook (+ 150 millions en 2015)
  • 700 millions d’utilisateurs sur Messenger (+ 100 millions en 2015)
  • 400 millions d’utilisateurs sur Instagram (+ 100 millions en 2015)

Dans une récente étude intitulée « Le numérique : comment réguler une économie sans frontière ? », France Stratégie enfonce le clou et présente la répartition mondiale des profits de Facebook par grandes zones géographiques :

Moyenne des utilisateurs quotidiens par zone géographique (2014)

  • Etats-Unis & Canada : 18 %
  • Europe : 25 %
  • Asie Pacifique : 28 %
  • reste du monde : 29 %

Revenus publicitaires par zone géographique (2014)

  • Etats-Unis & Canada : 46 %
  • Europe : 27 %
  • Asie Pacifique : 15 %
  • Reste du monde : 29 %.

Ces chiffres témoignent d’un paradoxe : alors que la moyenne des utilisateurs quotidiens de Facebook est moins élevée en Amérique du Nord (18 %) que sur les autres continents, c’est pourtant là que le réseau social génère ses plus gros profits publicitaires (46 %). Pourquoi ? Tout simplement parce qu’avec 123,1 millions d’utilisateurs mobiles en 2015, l’Amérique du Nord occupe le haut du panier mondial comme le montre une récente étude d’emarketeur. A noter que l’Amérique sera doublée par l’Inde dès 2017 et que la répartition mondiale des revenus publicitaires de Facebook devrait elle aussi évoluer progressivement en conséquence.

Ecouter la donnée

Et si les Indiens deviennent les premiers utilisateurs mondiaux de mobiles, il faudra aussi leur proposer des contenus qui répondent à leur culture, à leurs aspirations et à leurs besoins. C’est tout l’enjeu du « listening » : apprendre à écouter ce qui se dit sur les réseaux pour toucher une audience toujours plus ciblée.  Pour Guilhem Fouetillou, spécialiste du web social et cofondateur de Linkfluence, également présent au Hub Forum, « le listening vise à écouter le web social pour comprendre le monde et apprendre à véritablement connaître le consommateur ». Autrement dit, concevoir un contenu capable de répondre à une attente dûment identifiée.

Voilà qui nous renvoie à la question du sens. A trop écouter, le risque existe de devenir non seulement intrusif, mais également de ne chercher qu’à flatter les goûts et les envies de l’être humain qui se cache derrière le consommateur. Pour s’épanouir, l’individu a aussi besoin d’altérité, de se confronter à l’autre et à la différence. A cet égard, la donnée requiert un traitement hybride : une data intelligence couplée à une expertise, mais aussi à des qualités humaines qui renvoient à la sensibilité et à la créativité. S’adresser à l’autre suppose toujours une part d’inconnu et de risque.

Les marques qui seront suffisamment fortes et créatives pour oser s’extraire de la donnée, faire aussi appel à l’intuition et mettre la technologie au service de la relation humaine, auront sans doute tout à y gagner.

Joévin.

Pour aller plus loin :

« La transformation numérique passe par l'humain »

 

 

Joevin Canet

Journaliste, passionné par le digital, j'ai couvert l’actualité numérique au sein de l’équipe digitale d’Orange Business et accompagné le déploiement du dispositif éditorial appliqué aux blogs et aux réseaux sociaux de l'entreprise.