Comment remédier aux disparités d’accessibilité aux soins en France ?
Le gouvernement a décidé de porter ses efforts sur ce problème aux origines multifactorielles : vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques, exode rural, diminution du nombre de médecins généralistes, rupture dans les aspirations des jeunes médecins (fin du sacerdoce), fracture numérique... le sujet est donc complexe et la réponse certainement plurielle.
Si la technologie commence à proposer des services pour réduire l’isolement et les distances entre médecins et patients, la question de l’acceptabilité dans l’usage de cette nouvelle médecine demeure entière : les séniors vont-ils accepter une surveillance « à distance », les médecins sont-ils prêts à collaborer avec d’autres professionnels de santé et notamment les IPA (infirmiers aux pratiques avancées) en déléguant une partie des suivis de soins, les communes ont elles les moyens de supporter les investissements nécessaires à ce virage ambulatoire, le cadre juridique (sécurité et responsabilité) est-il opérant ?
Commençons par définir ce qu’est un désert médical
A bien y regarder de près, on constate un phénomène de transformations parmi lesquelles l’on peut, certes, citer la disparition du modèle du «médecin de famille», mais également l’urbanisation croissante, la désaffection qui touche de nombreux territoires ruraux, la fragilisation des réseaux de transports en commun, la faiblesse de l’offre en matière d’activité économique, d’emploi voire de services publics, les modes particuliers de vieillissement de la population.
Il apparaît donc bien que ces «déserts» sont loin de n’être que médicaux.
En fait, les questions posées sont au carrefour de deux grandes problématiques d’actions publiques : celle du vieillissement (dimension sectorielle) qui englobe ce qui relève des politiques sanitaire et d’action sociale, et celle du développement local (dimension transversale) qui renvoie aux grandes fonctions sociétales (économie, transport, urbanisme, logement...).
Sur ce point, rajoutons également l’absence de couverture réseau et ces zones blanches qui coïncident souvent avec les zones sous dense en matière d’offre de soins. Emmanuelle Pierga, directrice de la Communication d’Orange Healthcare, souligne l’engagement de Stéphane Richard dans la résolution de ce problème : « Pour Orange, l'ensemble du dispositif représente 800 millions d'euros d'investissements (sur les trois milliards au total) supplémentaires sur dix ans. 7.500 antennes vont être construites au total. Le réseau mobile d'Orange en France, c'est 22.000 antennes. Ça veut dire un doublement voire un triplement de capacité dans les zones rurales.
" La couverture mobile devrait aussi être améliorée dans les zones grises. « Ceci devrait permettre de rattraper l’évolution des usages pour la téléphonie mobile qui est allée plus rapidement que les équipements techniques. » précise t’elle. « Néanmoins, concernant les zones à faible rentabilité, c’est à dire où il y a peu de clients potentiels pour un opérateur privé tel qu’Orange, il revient aux collectivités locales de lancer un Appel d’Offre en vue de la création d’un Réseau d’Initiative Public (RIP). Cela relève alors d’une collaboration publique/privée. La difficulté devenant souvent financière pour les communes concernées. »
Quelles solutions pour les déserts médicaux ?
S’agissant de la médecine de proximité et des soins à apporter dans les territoires isolés, différentes propositions sont d’un intérêt évident. Ainsi l’on peut retenir les systèmes de soins et surveillance à distance qu’offrent la télémédecine et les dispositifs médicaux communicants.
Une étude économique publiée par le Pôle interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations économiques (Pipame) voit dans l’adoption et la mise en œuvre de ces dispositifs l’opportunité d’une mise en place d’un pilotage national pour coordonner l’action des acteurs privés et publics autour des technologies et des infrastructures, avec en point d’orgue le problème de l’interopérabilité des différents systèmes d’information. Elle souligne néanmoins le frein important que représente le cloisonnement actuel des professionnels de santé qui pose problème pour la délégation des tâches.
Pourquoi un démarrage si poussif ?
Le déficit d’évaluation est également un facteur explicatif du difficile démarrage de la télémédecine, au motif que l’évaluation serait gage de l’efficacité des dépenses engagées, de capitalisation des échecs et des réussites pour assurer (ou dissuader) leur réplication et leur généralisation.
Mais c’est surtout le cadre réglementaire qui est pointé du doigt par les acteurs du secteur (soignants et industriels). D’une part, parce qu’il paraît trop contraignant : le CISS (Collectif interassociatif sur la santé) avance ainsi qu’il convient à des accords entre des établissements, mais ne s’adapte pas aux pratiques ambulatoires, pourtant encouragées par ailleurs par les pouvoirs publics. D’autre part, le cadre juridique est perçu comme excluant, en raison même de sa rigidité. L’expression d’un nécessaire « déverrouillage » se retrouve très souvent dans la presse spécialisée. Ainsi, « la télémédecine informative » ou télé-conseil, sont exclus du spectre de la loi, laissant des acteurs privés s’engouffrer dans la brèche. Certains proposent notamment des téléconsultations médicales par téléphone qui semblent a priori prendre la forme du télé-conseil, et qui ne seront pas remboursées par l’assurance maladie – laquelle exige que le support vidéo soit utilisé pour donner lieu à un remboursement.
Zava, collectif de médecins britanniques, profite de directives de soins transfrontaliers pour proposer des consultations en ligne en France. L’assureur Axa, depuis 2015, offre dans le cadre de ses contrats (de complémentaire santé pour les salariés d’entreprise) des consultations par téléphone réalisées par des médecins généralistes (salariés d’Axa assistance). On peut aussi mentionner le site deuxiemeavis.fr qui propose un service consistant à fournir un avis médical à distance sur la base du dossier médical et d’un questionnaire, soit une sorte de télé-avis personnalisé. Des inégalités pourraient résulter de cette privatisation du télé-conseil (que peu auraient les moyens de s’offrir).
Malgré tout, la revendication d’une entrée des actes de télémédecine dans le droit commun de la Sécurité sociale, défendue depuis plusieurs années, a été récemment accordée partiellement, pour les téléconsultations (en associant des montants relatifs à trois types d’actes) et la télé-expertise (sous forme d’un forfait).
Des usages préexistants et inspirants ?
Concernant les patients, peu d’études sociologiques sont encore à notre disposition pour constater ces niveaux d’acception ou de réorientation de l’usage, il est cependant intéressant d’observer les habitudes préexistantes. Ainsi, ce qui est frappant dans les zones rurales dites de « déserts médicaux », c’est l’organisation solidaire qui est mise en place spontanément pour en pallier les effets.
Cette dynamique rappelle les réflexions de Jeremy Rifkin sur les communaux collaboratifs. Ainsi souligne-t-il : « Nous avons coutume de penser qu’il n’y a que deux moyens d’organiser l’économie : le marché capitaliste et l’État... Les communaux sont antérieurs au marché capitaliste et au gouvernement représentatif; ils constituent la forme d’autogestion institutionnalisée la plus ancienne du monde... On en trouve dans les communautés rurales locales qui regroupent leurs ressources communes et conviennent de les utiliser collectivement...»
Lors d’un entretien avec Muriel Duny (journaliste République d’Uzès et du Gard), celle-ci observait : « En milieu rural, les facteurs ont toujours joué un rôle de lien social auprès des personnes âgées en leur rendant visite tous les jours. Sauf qu’auparavant... ce n’était pas un service payant . » Idem sur les services entre voisins pour les accompagnements en voiture chez le médecin ou la livraison des médicaments facilitée auprès des personnes à faible mobilité.
Un système de mises en réseaux de moyens initiés par la société civile pour surmonter certaines difficultés pourrait donc être aussi une source d’inspiration pour pallier des problématiques liées aux déserts médicaux !
Forte d’une expérience éprouvée dans le domaine de la communication et du marketing, j’interroge mon expertise et revisite les fondamentaux de ces disciplines à l’ère du numérique. Passionnée par ces avancées qui redistribuent les rôles dans la société, j’oriente mes recommandations vers des stratégies conciliant le meilleur des deux mondes : physique et digital.