Après avoir étudié l’influence des avis d’internautes sur nos parcours d’achat, les Orange Labs se sont intéressés à leur impact sur les entreprises évaluées. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tous les acteurs ne sont pas égaux face au dispositif. Pourtant, ils vont devoir s’y faire…
Si l’influence des avis d’internautes est démontrée, il existe à ce jour peu d’études sur l’impact du mécanisme sur le mode de fonctionnement des entreprises. Pour répondre à ce manque, le laboratoire SENSE* s’est donc placé de l’autre côté de l’écran en s’intéressant, cette fois-ci, à la façon dont les restaurateurs perçoivent et gèrent un dispositif auquel ils peuvent difficilement échapper.
S’il est loin d’être le seul concerné, le domaine de la restauration (au même titre que l’hôtellerie) fait en effet figure de pionnier en matière d’avis d’internautes. Nés au début des années 2000, les city guides en ligne ont progressivement intégré les évaluations de clients anonymes. Un phénomène qui s’est sensiblement accéléré avec l’émergence de la mouvance web 2.0.
Près d’une quinzaine d’années plus tard, les principales plateformes françaises accueillent en moyenne plus de 2 millions visiteurs uniques par mois (hors audience mobile) pour des évaluations plutôt positives (la note moyenne se situe à 4/5) qui concernent, selon les sites, entre 7000 et 70 000 restaurants.
Pour mener à bien son étude, le laboratoire SENSE a réalisé une série d’entretiens semi-directifs auprès d’un échantillon diversifié de professionnels de la restauration. Le premier enseignement n’est qu’une demi-surprise. Quelle que soit la note moyenne obtenue, les dispositifs d’avis sont généralement mal perçus. Les avis négatifs sont évidemment pointés du doigt pour leur caractère subjectif, public et permanent mais, de manière plus globale, les internautes sont souvent considérés comme des professionnels de la plainte, voire des « hypocrites ». Ils manquent souvent de recul et ont tendance à généraliser un peu vite. Là encore, la problématique des faux avis existe, mais elle n’est pas centrale.
Qu’ils soient pro ou anti, les restaurateurs doivent se rendre à l’évidence : la puissance des mécanismes d’avis a un impact direct sur la façon dont ils exercent leur métier. La première conséquence n’est pas des moindres puisqu’elle concerne le chiffre d’affaires. Certains professionnels sont désormais capables d’évaluer l’impact d’une note négative. Pour d’autres, les sites d’avis drainent jusqu’à 35% de la clientèle. La force des avis dépend toutefois de plusieurs facteurs au premier rang desquels figurent la localisation de l’établissement et son capital réputationnel sur les supports traditionnels.
De fait, certains restaurateurs ont commencé à apprivoiser les dispositifs d’avis comme une source d’amélioration continue ou de veille concurrentielle. Dans certains cas minoritaires, le mécanisme est également utilisé pour évaluer les salariés…
L’étude observe ainsi le changement, parfois douloureux, des règles du jeu du secteur. Elle distingue les gagnants, qui utilisent les avis pour opérer une reconfiguration complète de leur marketing, des perdants qui comprennent mal ces dispositifs et les subissent. Elle souligne également la nécessité d’un accompagnement pour bien appréhender cette logique de e-réputation. Mais au-delà de la restauration, d’ores et déjà bouleversée par les systèmes d’avis, les résultats préfigurent ce que l’on devrait prochainement retrouver dans des secteurs aussi variés que la grande distribution, l’expertise comptable, l’artisanat voire la santé. Là encore, à chacun de décider s’il en fait une opportunité ou s’il se contente de percevoir le phénomène comme une menace.
Daniel Gonçalves
*Beuscart, Beauvisage, Mellet, Trespeuch. Orange Labs, laboratoire SENSE. 27 entretiens réalisés en 2013.
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