Sorin a annoncé en février dernier sa fusion avec Cyberonics. Ce rapprochement augure de la création d’un nouvel acteur mondial des medtechs dans les domaines de la chirurgie cardiaque, le CRM (gestion du rythme cardiaque) et de la neuromodulation.
Comme je l’avais déjà évoqué dans mon précédent article, une grande vague de consolidation bouleverse l’industrie des dispositifs médicaux.
Faisons le point sur les tendances liées à cette restructuration de l’offre, à travers cette actualité.
la naissance d’un grand parmi les géants des dispositifs médicaux
La fusion entre Sorin et Cyberonics (après celles de Medtronic et Covidien, de Becton-Dickinson et CareFusion et de Zimmer et Biomet) est emblématique de la consolidation en cours dans l’industrie mondiale du dispositif médical.
Les drivers de cette fusion sont nombreux :
- synergies au niveau des ventes en termes de produits et de géographie
- diversification des portfolios de produits et services
- rationalisation des dépenses de R&D et des fonctions supports
- plus grande visibilité donnée aux investisseurs confortant son potentiel de capitalisation (LSE et Nasdaq)
Ainsi un nouvel acteur mondial medtech est né en cardiologie et neuromodulation, fort d’une capacité d’innovation renforcée, reconnue et différenciante permettant de servir de nombreux autres potentiels de marché. A suivre donc, cette fusion est pleine de promesses…
des facteurs cycliques et structurels expliquent cette transformation
Le ralentissement progressif de la croissance du secteur des dispositifs médicaux est estimé aujourd’hui à 6% (entre 2013 et 2016) alors que les acteurs de ce marché ont connu dans la dernière décennie des croissances à 2 chiffres. Cela contraint de facto les industriels à revoir leur positionnement stratégique.
3 tendances structurelles expliquent la dynamique actuelle de consolidation de l’offre :
- Course à l’innovation
L’innovation est devenue le leitmotiv des industriels des dispositifs médicaux confrontés à une pénétration très forte de leurs solutions, tous domaines et pathologies confondues (prothèses, diabètes, cardio, respiratoire, l’insuffisance rénale, oncologie…). Ils doivent aujourd’hui faire face à une stagnation de leurs marchés historiques. Les cohortes de patients (et producteurs de soins) sont équipés. Bref, les perspectives de croissance pour un industriel sont donc tendanciellement proches des taux de croissance de la démographie dans nos économies qualifiées de mature.
Cette innovation sert alors le cœur historique de l’offre mais peut aussi repositionner l’industriel sur des briques complémentaires et adjacentes dans la chaine de valeur. L’innovation produit/solution s’accompagne systématiquement d’une approche market access afin de démontrer la création de valeur auprès des payeurs (publics ou privés).
En revanche, une faible pénétration couplée à une grosse croissance démographique trouve dans les pays dits émergeants un extraordinaire potentiel à terme. - Croissance de la demande dans les pays émergents
Ce constat semble globalement évident mais prend une forme particulière en ce qui concerne des technologies médicales complexes et vitales. En effet, historiquement le développement des medtechs sur ces zones géographiques subissait l’absence de systèmes de soins prenant en charge le dispositif médical et la rareté des infrastructures hospitalières et de professionnels de santé formés à ces technologies. Les déterminants ont progressivement changé, si bien que les régions du monde en dehors des pays traditionnellement clients des medtech comme les US, l’EU, le Japon ou l’Australie seront amenés à représenter des parts croissantes du chiffres d’affaires (de 10% à 40% selon l’exposition géographiques des acteurs, à terme). La santé devient en effet une priorité pour un grand nombre de pays émergents, comme le Brésil ou la Chine, qui connaissent une forte croissance de la demande de dispositifs médicaux de grande qualité financés sur des marchés privés. - Transformation des modes d’achats des clients des medtechs
Un nouveau cadre est actuellement posé pour les acteurs des dispositifs médicaux : c’est aujourd’hui la valeur d’une solution qui est l’objet de l’attention de nouveaux types d’acheteurs. Ces derniers prennent le pouvoir aux dépens d’une prescription exclusivement diligentée à ce jour par le médecin. C’est le cas par exemple aux Etats-Unis ou en France avec l’émergence de grosses centrales d’achat. Cette tendance favorisera de plus en plus les grands groupes capables de démontrer le rapport qualité-prix de leurs solutions, et de devenir plus compétitifs pour remporter des marchés compte-tenu de leur taille critique et des économies d’échelles induites. 2015 devrait donc être une année riche en fusion d’acteurs de moindre envergure cherchant par le regroupement à maintenir leur position relative face aux géants les plus visibles.
En conséquence, les acteurs moins grands (dont les parts de marché sont faibles) devraient connaitre des difficultés à maintenir leur position relative, sauf à se regrouper. Ce qui explique que 2015 devrait être une année riche de nombreux M&A d’acteurs de moindre envergure que les géants du medtech les plus visibles, afin de permettre aux petits et moyens acteurs de passer la grosse déferlante provoquée en 2014. En corollaire, la liste fournisseurs du client du medtech devrait se réduire et accélérer le passage à la taille critique d’un très grand nombre d’acteurs.
L’année 2015 ne sera donc qu’une étape dans la consolidation.
Quels bénéfices de la consolidation vus d’un medtech ?
La douleur d’un medtech est double : comment produire et lancer de nouveaux dispositifs médicaux et croitre au-dessus de la tendance du secteur dans les nombreux domaines de la santé ?
Au-delà d’une course aux produits et services innovants pour servir les besoins des professionnels de santé et du patient dans ses multiples pathologies, la consolidation présente l’avantage pour le consolidateur d’asseoir rapidement un sursaut de croissance de son chiffre d’affaires et de ses perspectives. Bien entendu, ces rapprochements stratégiques sont renforcés par un effet d’aubaine fiscal (« tax inversions » pour les acteurs américains) mais, comme vu précédemment, il s’agit surtout d’une réponse à l’évolution structurelle de la demande.
Ces consolidations viennent par ailleurs en partie se substituer aux efforts propres de chaque entreprise sur les volets R&D et lancements de produit. La course à la taille sur un mode exogène est donc bien le nerf de la guerre (même si la croissance endogène existe), car les efforts de R&D sont aussi globalement à la baisse et favorise aussi une externalisation auprès des nouveaux acteurs (notamment IT et télécom).
Alexandre.
crédit photo : © tunedin
Au sein d’Orange Healthcare, je suis responsable du développement des « nouvelles opportunités » e-santé ainsi que de la zone Europe et Amérique. Après avoir commencé ma carrière dans l’ingénierie financière (banque d’affaires), j’ai eu la chance de pouvoir travailler dans le domaine industriel à l’international en tant que conseil en Europe de l’Est pour y développer la présence des entreprises françaises. J’ai ensuite rejoint la filiale conseil d’Orange spécialisée dans le développement de nouveaux services pour y développer la practice « services avancés telecom & media » en France et à l’international. Au quotidien, je m’attache à transformer nos opportunités d’affaires dans le secteur de l'e-santé.