En 2006, Thierry Zylberberg, un cadre dirigeant à Orange, dynamique, imaginatif et visionnaire, a convaincu le conseil d’administration du groupe que la transformation digitale du secteur de la santé constituait une opportunité majeure que l’opérateur de télécommunications devait saisir.
Quelques mois plus tard, début 2007, Thierry a été à l’origine de la création d’Orange Healthcare, une initiative stratégique dont la mission était d’évaluer le potentiel du marché émergeant de l’e-santé pour le groupe Orange. Neuf ans plus tard, suite au déploiement réussi de plusieurs solutions et concepts innovants d’e-santé, qui ont imposé Orange en tant qu’acteur de l’e-santé, Orange Healthcare est officiellement devenue la première unité d’affaires dédiée aux marchés verticaux d’Orange Business, sous la houlette d’Elie Lobel.
L’environnement de l’e-santé a considérablement évolué au cours des dix années pendant lesquelles Thierry Zylberberg a conduit Orange dans cette terra incognita. En vue de mesurer l’évolution du marché, j’ai rapidement examiné les financements par capital-risque et le flux des propositions d’investissement dans le domaine de l’e-santé. Autrement dit, j’ai remonté la piste des flux financiers.
Tendances d’investissement : les technologies de l’e-santé en forte hausse
Selon CB Insights, les investissements dans l’e-santé par capital-risque s’élevaient à 1,2 milliard de dollars en 2009, à 4,5 milliards de dollars en 2015 et à 6,1 milliards de dollars en 2016. StartUp Health, qui utilise différents paramètres de recherche, a évalué le flux des propositions d’investissement à un montant colossal de 7,9 milliards de dollars, alors que Rock Health, dont les rapports n’incluent que les entreprises des États-Unis, pour des cycles de financement supérieurs à 2 millions de dollars, et qui utilise une définition plus étroite de l’entreprise d’e-santé, a évalué ce flux à 4,2 milliards de dollars pour 2016, contre 1,1 milliard de dollars en 2011.
Comme le souligne l’observateur du secteur Rick Bieberman, les disparités concernant les bilans de fin d’exercice dans le secteur de l’e-santé se résument à un manque chronique de définitions standards, ce qui nous empêche d’évaluer les progrès du secteur d’une année à l’autre. Qu’est-ce qu’une entreprise d’e-santé ? Qu’est-ce qui constitue un investissement (les bilans de fin d’exercice, par exemple, sont faussés par l’inclusion des émissions de titres de créance) ? Au bout du compte, les données des transactions hors États-Unis sont « au mieux incohérentes », et l’établissement d’ évaluation sur les progrès du secteur de l’e-santé, surtout en dehors des États-Unis, représente un vrai défi.
Malgré les incohérences des données et les différences de méthodologie de recherche, les analyses de données disponibles pointent toutes dans la même direction : l’e-santé constitue une opportunité d’investissement dans les start-up très intéressante. Pourquoi ? Parce que la demande en matière de santé et les systèmes de santé sont confrontés à des problèmes qui doivent impérativement être résolus. Alors que le marché est encore en phase de maturation et que le retour sur investissement n’est pas encore démontré (les sorties du capital et le financement des opérations mériteraient un blog entier à eux tout seuls), la transformation numérique du secteur représente une énorme opportunité à laquelle les start-up innovantes et les groupes industriels de premier plan ne renonceront pas. (Silicon’s New Darling, Accenture Strategy, 2016)
(Global analysis of venture funding, KPMG Enterprise, 2017)
Examinons ces chiffres de plus près pour comprendre ce qui se passe.
KPMG a constaté un montant total du financement des opérations de 127 milliards de dollars en 2016 au niveau mondial, tous secteurs confondus, en baisse par rapport aux 141 milliards de 2015, mais toujours élevé par rapport aux années précédentes, ce qui confirme la tendance d’un grand appétit de la part des investisseurs de capital-risque. Les logiciels sont nettement en tête en matière de flux des propositions d’investissement, représentant environ 50% des investissements totaux en capital-risque. Selon le même rapport de KPMG, le financement de l’e-santé par capital-risque représentait environ 6% du flux total des propositions d’investissement en 2016.
Dans quelle direction s’orientent les propositions d’investissement ?
Sven Lingiaerde, Managing Partner chez Endeavour Vision.
Les investisseurs sont de plus en plus sélectifs, ils préfèrent les start-up très spécialisées en matière de santé et qui proposent des solutions B2B (ou B2B2C) basées sur des technologies avancées comme l’analyse de big data, l’apprentissage machine ou l’intelligence artificielle.
Selon le rapport Rock Health de fin d’exercice sur le financement 2016, les investissements ont été concentrés dans les six principales catégories suivantes :
- Génomique et séquençage USD$410 millions
- Analyse/big data USD$341 millions
- Dispositifs portables et biodétection USD$312 millions (Jawbone $165 millions)
- Télémédecine USD$287 millions
- Appareils médicaux numériques USD$268 millions
- Gestion de la santé de la population USD$198 millions
Par comparaison, selon le rapport semestriel de CB Insights pour 2016, ces six catégories ont reçu 54% du financement à la fin du deuxième trimestre 2016 :
- Analyse/big data plus de USD$300 millions
- Dispositifs portables et biodétection USD$217 millions
- Gestion de la santé de la population USD$184 millions
- Outils de soins personnels USD$132 millions
- Dossier médical personnel/flux de travail clinique USD$127 millions
- Appareils de santé numériques USD$122 millions
Un marché en gestation
Alors que ceux d’entre nous qui travaillent dans ce secteur estiment que les choses n’avancent pas assez vite (à cause de cadres réglementaires inadaptés, d’un manque de modèles de remboursement, d’une inertie en matière d’interopérabilité, d’utilisation et d’adoption, entre autres), il est important de rappeler que du point de vue des investisseurs, l’e-santé est un marché robuste et attrayant de par sa capacité à perturber les routines et à ouvrir de nouvelles opportunités. Notre capacité à suivre plus précisément les progrès des investissements dans l’e-santé est peut-être une faiblesse à surmonter, surtout en ce qui concerne les transactions hors États-Unis. Néanmoins, chaque année, les (nouveaux) investisseurs sont de plus en plus nombreux, de même que les entreprises recevant des financements, et la valeur moyenne des opérations augmente. Pour toutes ces raisons, les intuitions de Thierry Zylberberg à l’été 2006 à propos du potentiel de l’e-santé se sont révélées exactes !
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Véritable 'News Junkie' qui a commencé son existence digitale dans l'ère pre-GUI, je suis accro aux actualités des médias qui présentent une analyse critique des affaires internationales. Au quotidien, je gère la communication au sein de l'équipe International Mobility Services, entité 100% dédiée aux services de connectivité mobile pour les clients MNC d’Orange Business