Un vivier inexploité et à fort potentiel
Pour une entreprise, la plus-value potentielle d’une gestion et d’une gouvernance adaptée de ses données est immense. De nombreuses entreprises ont, cependant, une vision partielle de cette valeur, souvent réduite à la seule monétisation. Utilisée judicieusement, la data permet pourtant de faire « plus de plus et moins de moins ».
« Plus de plus », car son analyse aide à comprendre et donc à mieux servir ses clients tout en favorisant la conception de services et de produits innovants. « Moins de moins », lorsque, couplée avec du Robot Process Automation, elle améliore des process chronophages ou inefficaces et optimise l’usage des ressources, ou bien lorsqu’elle contribue à maîtriser les risques de fuites ou de fraude. Ce large potentiel, insuffisamment exploité, justifie à lui seul une réflexion autour de la stratégie data qui nécessite d’identifier des cas d’usage prometteurs et de parvenir à les faire passer à l’échelle.
Les défis d’une industrialisation réussie
Lorsqu’un cas d’usage de la data ou de l’IA a fait ses preuves en laboratoire, comment garantir qu’il en sera de même « in vivo », dans le contexte singulier de l’entreprise et en temps réel ?
Première condition « sine qua non » : la mise en œuvre d’une stratégie data alignée sur celle de l’entreprise. Contrairement à d’autres actifs primordiaux, la data ne figure pas au bilan des entreprises et ne fait donc que rarement l’objet d’une stratégie dédiée. Pourtant, cette dernière est non seulement indispensable mais elle doit découler de – et servir – la stratégie globale de l’entreprise. En effet, selon que cette dernière souhaite optimiser ses coûts ou se positionner sur le segment du luxe, les cas d’usage d’IA diffèreront. Cette adéquation entre stratégies data et d’entreprise demeure trop souvent impensée.
L’industrialisation appelle, par ailleurs, une gestion différente des données (en temps réel plutôt que de façon asynchrone) et des process (en procédant aux validations en amont) ainsi qu’un « monitoring » constant des décisions de l’IA, garantissant leur explicabilité. Elle implique aussi de prêter une attention particulière à l’architecture des données : leur structure et leur gouvernance doivent se fonder sur la stratégie de l’entreprise et les cas d’usage visés. Certaines activités (médecine à distance, mobilité) nécessitent un temps de latence réduit à l’extrême : le type de connexion par lequel transiteront les data dépendra alors pleinement du cas d’usage envisagé.
Ensuite, une industrialisation réussie implique la collecte de « feedback ». Sans cela, impossible de mesurer les effets des actions de l’IA et donc de l’optimiser ; or c’est précisément cet apprentissage continu qui différencie l’IA du simple « datamining ».
Autre composante souvent délaissée d’une stratégie data : une vision d’ensemble des données pertinentes, y compris lorsqu’elles n’existent pas encore ou appartiennent à des tiers. Omettre ces données revient à priver l’entreprise de précieuses sources d’information. Comment comprendre la performance d’un point de vente parisien sans prendre en compte les données externes que furent les mouvements sociaux de 2018-2019 ou les fermetures administratives de 2020 ? Quel risque encourt l’entreprise qui se prive de données sur l’humidité ou la température, susceptibles d’affecter gravement le fonctionnement de ses processus industriels ?
Passer à l’échelle nécessite, enfin, de comprendre qu’IT et business sont désormais indissociables. Avec le ML Ops, le « machine learning » se trouve au cœur des opérations, comme en atteste la présence croissante de spécialistes data / IA au sein des équipes métier. En effet, la data s’immisçant désormais dans toutes les opérations de l’entreprise, former des experts dédiés ne suffit plus : tous les collaborateurs doivent s’acculturer afin de savoir capter des données pertinentes à leurs activités et en faire bon usage.
La réunion de ces différentes composantes doit permettre une industrialisation réussie. Mais au-delà de cette étape cruciale du passage à l’échelle, la stratégie data soulève des enjeux de long terme, qui nécessitent un suivi continu. Par exemple, l’IA doit pouvoir être auditée en temps réel afin de respecter des réglementations sectorielles toujours plus complexes.
Mais, plus fondamentalement, l’IA et le « machine learning » sont, par essence, des systèmes apprenants ; cet apprentissage induit une déformation qui rend toujours plus complexe l’explication des choix effectués par l’IA. Cette explicabilité des modèles est centrale : comment faire en sorte que l’évolution de l’IA dans le temps ne l’éloigne pas de ses objectifs initiaux ? Il y a fort à parier que cet enjeu occupera, dans les années à venir, nombre de philosophes et sociologues.
Responsabilité et éthique de la data
Pour toutes ses applications possibles, l’IA ne saurait, pour autant, constituer la réponse à tous les maux de l’entreprise. Beaucoup y recourent par automatisme pour résoudre des difficultés dont la source se trouve, en réalité, dans des fondamentaux sous-optimaux. L’usage de l’IA, très consommateur de ressources, ne fait alors que dissimuler des problèmes de qualité de données, de gouvernance, de process ou encore de reporting. À ce palliatif de court terme doit se substituer une réflexion préalable permettant une meilleure maîtrise de l’usage de l’IA, laquelle présente, par ailleurs, des bénéfices environnementaux évidents.
Cette réflexion de long terme doit s’intégrer, plus largement, à une politique de responsabilité en matière de data conjuguant dimensions éthique et environnementale, protection des données et usage utile et maîtrisé de l’IA.
Cette responsabilité dépasse le seul cadre de l’entreprise pour s’étendre à son écosystème : elle implique de s’entourer de partenaires partageant les mêmes valeurs
Les ingrédients du succès
À l’issue de ce cheminement, plusieurs ingrédients apparaissent indispensables à la réussite d’une stratégie data : son alignement préalable sur celle de l’entreprise ; l’interaction constante entre équipes IT et métier, notamment lors de l’élaboration de la stratégie data, celle-ci devant découler des cas d’usage ; du discernement, afin de ne recourir à l’IA que lorsque celle-ci peut apporter une réelle valeur ajoutée ; une prise en compte, dès le « proof of value », des dimensions éthique et environnementale.
Ce dernier point est clé car l’expertise en matière de data et d’IA n’est pas simplement technologique : elle est aussi humaine et stratégique. C’est pourquoi Orange Business accompagne ses clients, tout au long de leur transformation numérique, en les aidant à identifier les données pertinentes à leur projet (y compris lorsqu’elles sont externes à l’entreprise) et en s’appuyant sur un large éventail de partenaires, des hyperscalers cloud aux acteurs locaux, pour une stratégie data alliant performance et responsabilité. L’accompagnement combine proximité avec approche globale, de la définition à la fourniture et la mise en œuvre des solutions nécessaires à la valorisation des données : cloud, connectivité, sécurité avec une gouvernance centralisée.
J’ai exercé, pendant 25 ans, des fonctions de Manager puis de Dirigeant dans des entreprises de conseil en technologies et de services du numériques, en France et à l’international. Au sein d’Orange Business, j’accompagne depuis 2009 l’évolution d’Orange vers un métier d’opérateur global de services numériques venant enrichir son cœur de métier télécommunications historique. Je suis également Administrateur de numeum, principal syndicat du secteur du numérique et préside à ce titre sa Commission Villes et Territoires.