quelle différence faites-vous entre le Cloud Computing et l’Outsourcing ?
A travers plusieurs échanges avec des CIO de grands groupes français ces derniers mois, cette question instructive revient régulièrement. Ma réponse est simple : il y a objectivement autant de points communs que de différences suivant la réalité des offres Cloud proposées par les acteurs du marché.
Cette question est d’autant plus légitime que les CIO ont eu l’occasion d’entendre ces 25 dernières années des messages marketing « relookés » autour de solutions éprouvées, situation que les anglos saxons résument dans d’autres contextes à travers l’expression « same old wine in a new bottle », expression qui n’a d’ailleurs aucun sens pour ceux qui apprécient le vin.
Face à cette interrogation, je me permets en général de répondre par une autre question : quand pensez vous qu’il sera possible de disposer de plateformes informatiques offrant, de façon unifiée, pour l’ensemble des collaborateurs de votre group e:
- une messagerie individuelle
- des fonctions de communication et des espaces collaboratifs
- des applications bureautiques (éditeur de texte, impression, stockage)
- des applications RH (gestion du temps de travail, gestion des compétences)
- des applications financières
- des applications commerciales
- des applications métiers
- un gestionnaire de sécurité
- des fonctions d’émulation pour d’autres systèmes d’exploitation
- des outils de développement
et cela pour des milliers d’utilisateurs, disposant de leur propre environnement de travail, isolé de ceux des autres utilisateurs sur la même plateforme ?
La réponse pourrait surprendre :
la solution technique existe depuis plus de 30 ans !
Je dois avouer avoir vécu sans le savoir à l’époque le « rêve » de nombreux clients aujourd’hui, en recevant en 1988, en tant que nouvel embauché d’un grand groupe informatique, mon compte utilisateur, instancié sur une plateforme opérant sur un OS dénommé VM (Virtual Machine, déjà !) lancé 16 ans plus tôt (1972) par IBM pour un segment de sa gamme mainframe et remplissant l’ensemble des fonctions mentionnées ci-dessus.
En général cette référence revient à l'esprit des CIO, même si tous les clients n'ont pas eu l'occasion d'utiliser ces platformes.
Le Cloud Computing serait donc un plat de cuisine traditionnelle réchauffé à la carte de restaurants de nouvelle génération et son offre de service finalement une simple revisite de l’approche éprouvée de l’outsourcing ? Difficile de prétendre que certains acteurs du marché ne cherchent pas à jouer cette partition en profitant indirectement de l’attractivité du Cloud. Difficile également de ne pas voir que le Cloud Computing pose plus de problèmes aux leaders historiques de l’IT qu’à leurs clients – tous les CIO ont en tête les déclarations de Larry Ellisson sur le sujet il y a 3 ans.
lire : Oracle's Ellison nails cloud computing ; Oracle's Larry Ellison eats his words on Cloud Computing
Sur un marché aussi mature que celui de l’IT, l’évolution des parts de marché ne s’opère qu’à la marge et « encourager » ses clients pour aller vers le Cloud Computing, marché ouvert à des acteurs nouveaux (hébergeurs, Internet Cloud Service Provideurs, opérateurs) est nécessairement à terme, un risque de perte de parts de marché significatives.
Les intérêts des Service Providers étant bien compris (selon leur position dans le domaine IT et leurs atouts sur le nouveau territoire du Cloud Computing), intéressons nous plutôt à l’intérêt des clients et pour cela revenons un instant à la question initiale: « quelle différence entre le Cloud Computing et l’outsourcing ? » Examinons pour cela cette question sous plusieurs angles.
technologies et capacité d’industrialisation
Sous l’angle purement technologique, l’anecdote précédente semble au premier abord conforter le doute de certains : effectivement si l’on regarde certaines composantes techniques embarquées « sous le capot » du Cloud, comme celle des hyperviseurs par exemple, il est difficile de prétendre que cette technologie soit tout à fait nouvelle, en l’occurrence, la réalité traduit plutôt l’inverse (sur des plateformes différentes, les capacités de partitionnement de serveurs sont assez anciennes).
En réalité, la nouvelle donne se caractérise par une conjonction de plusieurs facteurs :
- la maturité d’une technologie maîtrisée (virtualisation),
- développée par un acteur nouveau (vmware n’existait pas il y a 5000 jours) ayant des intérêts convergeants avec ceux de clients finaux pressés par la réalité économique de réaliser des consolidations et des rationalisations de leurs infrastructures IT,
- à travers l’adoption grandissante des plateformes d’infrastructure X86 – marché fortement concurrentiel - devenant progressivement le socle des SI convergeant sur les architectures Windows/Linux pour réaliser la refonte des parcs applicatifs.
A l’image de l’adoption massive de TCP/IP comme standard de marché dans le domaine des réseaux et communications à la fin des années 90, l’orientation technologique de la virtualisation correspond à une réalité au sein des SI, celle de la simplification et de la capacité à servir fonctionnellement de nouveaux usages plus rapidement avec un attendu d’interopérabilité fort dans les années à venir. On retrouve les caractériques de création d’un standard de marché, adopté massivement par les clients (à plus de 85%) pour ses attributs plutôt qu’imposé par un constructeur/éditeur.
Considérons la réalité de l’industrialisation sur les infrastructures techniques clients.
L’outsourcing traditionnel a toujours été caractérisé chez les leaders de l’IT comme le « SICOB » désignant par là, une somme d’environnements regroupant toutes les technologies du marché (à l’instar du salon des technologies informatiques du même nom qui se tenait à La Défense pendant de longues années) constitués au gré des contrats d’outsourcing ; ceux-ci consistant par essence à reprendre des environnements clients en l’état (hétérogènes d’un client à l’autre, souvent hétérogènes au sein d’un même SI) et rarement transformés en profondeur à travers la durée du contrat.
Difficile d’opérer une réelle industrialisation dans ces conditions, au-delà d’un travail sur les processus, cette limite de l’outsourcing a entrainé depuis 10 ans la consolidation des centres de service et l’émergence de l’offshore : à défaut de pouvoir jouer sur les technologies et sur l’industrialisation massive de la prestation elle-même, les acteurs de l’outsourcing IT ont agit essentiellement sur la baisse des charges de personnels, avec parfois des effets induits venant affecter les projects clients (turn over, difficultés de coordination, …).
A l’inverse, le Cloud Computing est caractérisé par un environnement beaucoup plus structurant et plus homogène en terme d’architecture technique ce qui représente une différence majeure sur la capacité d’industrialisation des services pour les Cloud Services Provider et leurs clients qui trouvent des avantages importants dans ce modèle de service.
Ces mêmes capacités d'industrialisation permettent par ailleurs de prendre en compte des besoins fonctionnels non satisfaits en terme de débordement (augmentations temporaires de capacité - planifiables ou pas) à travers les modèles de Cloud hybrides; là encore c'est la standardisation des infrastructures virtualisées embarquées dans le cloud qui permet d'envisager l'interopérabilité de Cloud privés et de cloud publics (ou virtuel privés pour des raisons de sécurité).
Le cloud computing constitue donc par construction, un levier beaucoup plus fort pour la convergence et la transformation industrielle du SI que les prestations d’outsourcing traditionnelles.
modèle de service
Sur ce plan également, les esprits avertis ne manquent pas de rappeler certains précédents (ASP, … ) pour expliquer que le modèle du Cloud ne serait pas vraiment novateur (comme certains expliquaient dans les années 90 que l’Outsourcing n’était qu’une « remouture » du bon vieux « service bureau » des années 70/80 …).
Il est important de reconnaître cette « part d’héritage » tout en éclairant des différences essentielles.
S’il est vrai que ces modèles proposaient un modèle de distribution du service différent à leur époque de l’IT traditionnel, l’évolution récente des technologies dans le domaine grand public, en particulier l’adoption des applications store, a démontré que l’on pouvait aller, en dehors de l’entreprise, bien au-delà en terme d’automatisation et de facilité d’usage que ce que délivre la grande majorité des acteurs IT aujourd’hui.
De nombreux clients ont l’expérience, au-delà de l’arbitrage make/buy, de tout de ce que pouvaient leur proposer les acteurs traditionnels de l’IT :
- prestations en régie,
- forfaitisation des prestations en régie,
- outsourcing sur site,
- outsourcing en offshore / nearshore / rightshore …
Évidemment l’outsourcing traditionnel a rempli la plupart du temps ses promesses, en particulier en terme de professionnalisation des services, à travers des processus/savoir faire robustes et des compétences éprouvées.
Mais en épuisant de plus en plus les gains économiques de ces approches, tout en se créant des rigidités importantes au moment où leurs métiers exigent l’inverse de la DSI, on peut affirmer que de nombreux clients sont allés au bout du parcours que les acteurs de l’IT traditionnels pouvaient leur proposer.
Selon les entreprises et leurs gouvernances, on observe même certaines directions métiers utiliser leur budget différemment, en souscrivant des services à l’extérieur de la DSI auprès de fournisseurs de Cloud publics ; à travers ces décisions, il s’agit d’obtenir plus rapidement certains services (IaaS, SaaS) et surtout dans un modèle de « self service » conférant une forme d’autonomie que les approches traditionnelles ne supportaient pas jusqu’à présent (délai mise en œuvre d’un changement, flexibilité dans le provisionning d’un nouveau service).
Pour rester au centre du jeu dans l’entreprise, un nombre croissant de CIO ont décidé de renforcer leur fonction de prestataire de référence capable tout à la fois d’apporter leur pleine valeur ajoutée sur l’axe de la qualité, de la performance et de la sécurité du SI mais aussi de s’adapter à la réalité des métiers à travers une vrai transformation « IT as a Service » les mettant à leur tour en position de délivrer leurs services à la demande et d’adopter des modèles de (re)facturation à l’usage.
Cette réalité se traduit aujourd’hui par de plus en plus de prestations d’accompagnement pour mettre en œuvre ce type de transformation, et les consultations du marché font apparaître cette nouvelle exigence pour un modèle de service plus flexible.
modes tarifaires
Les prestations d’outsourcing ont intégré progressivement la logique des unités d’œuvre ; malheureusement certains clients ont découvert à l’usage dans leur premier contrat d’outsourcing que leur facturation relevait plutôt d’un habillage en P x Q (Prix x Quantités) d’un montant global fixe et que la variation des quantités n’entrainait pas directement de baisse de leurs factures … les avenants pour étendre le périmètre des prestations étant à l’inverse d’un implacable systématisme…
Le cloud public a démontré depuis un modèle de service différent avec un mode de tarification souvent inspiré de celui des opérateurs telecoms avec une liberté de choix pour bénéficier d’une facturation reflétant les usages.
Non seulement ces modèles permettent aux clients de sortir de la logique d’investissement mais surtout ils permettent d’offrir de vrais leviers pour variabiliser la dépense de fonctionnement informatique quand les usages le permettent.
Les nouvelles offres cloud destinées aux entreprises devront renforcer ces approches pour les rendre adhérentes du workflow d’approbation de leurs clients, afin de ne pas faire de cet avantage un inconvénient avec des souscriptions de services facturables incontrôlées.
L’examen des structures tarifaires des offres du marché permet donc de différencier les approches et de comprendre de quel modèle elles se rapprochent.
perspective organisationnelle
L’enjeu des années 90, période de choc économique sévère qui a vu le fort développement des activités d’outsourcing informatique, était de réduire les coûts à tout prix, avec une activité informatique très souvent considérée comme non stratégique par les Directions Générales.
Aujourd’hui, l’enjeu de la DSI n’est plus, alors que le système d’information est devenu central au fonctionnement de la grande majorité des entreprises, de se séparer de son informatique (et quelquefois de son personnel) mais finalement de faire beaucoup plus avec le même budget.
Le modèle économique du cloud permet alors aux clients de consacrer ses ressources, quelquefois en sous effectif en regard de l’organisation requise pour gérer l’existant et ses évolutions (et sans réelle opportunité d' accroitre ses effectifs) à des projets métiers que le statut quo actuel interdit quelquefois de faire rentrer dans le budget de la DSI.
De même, certains acteurs Cloud adoptent des modèles de service favorisant le co-management (formules intermédiaires entre l’hébergement d’infrastructures et le full outsourcing) qui s’adaptent beaucoup plus facilement à la réalité d’organisations clients différentes.
On peut dire que le modèle Cloud permet pour les acteurs les plus avancés d’offrir des services qui rendent les enjeux de transformation moins impactants pour les équipes clients, contrairement à certains projets d’outsourcing qui avaient un impact (y compris social) de nature à compromettre les bénéfices recherchés (délai de mise en œuvre, surcoûts, rejet, …).
Enfin, l’évolution induite par ces nouvelles offres Cloud est à l’origine de l’émergence de nouveaux métiers qui permettent d’offrir chez les clients des perspectives d’évolution professionnelles attractives, comme ce fut le cas des ruptures technologiques passées.
considérations contractuelles
Même si le Cloud Computing déplace certaines frontières dans la segmentation traditionnelle des marchés informatiques pour les acheteurs clients (réseau, serveurs, stockage, logiciels, services), les bénéfices du modèle correspondent à des attentes fortes des clients sur l’axe contractuel, en particulier en terme de :
- standardisation,
- portabilité,
- réversibilité.
La standardisation des architectures techniques permettant d’envisager de transposer plus simplement les infrastructures virtualisées d’un prestataire vers un autre.
Certains clients envisagent même dans leur schéma directeur un double sourcing Cloud Computing pour faire de cette portabilité également une garantie de haute disponibilité de leur SI.
Sur la durée des engagements, de nouveau la différence entre les modèles est significative: l'approche "as a service" permet de répondre à des besoins de moins en moins simples à anticiper et planifier dans la durée pour un client.
A l’inverse certaines exigences clés bien maîtrisées à travers les contrats d’outsourcing traditionnels doivent être transposés dans l’environnement Cloud Computing pour s’assurer que les gains du Cloud ne soient pas remis en cause du fait d’offres mal adaptées au monde de l’entreprise ; c’est le cas en matière de:
- sécurité des données (protection, conservation, localisation),
- niveaux de service (& limites de responsabilité),
- propriété intellectuelle.
bilan
Chaque modèle de service a ses propres mérites, ceux du Cloud Computing dans des déclinaisons sécurisées retiennent de plus en plus l’attention des grands groupes qui souhaitent engager une Transformation "as a Service".
Dans cette phase, la crédibilité des offres passe par des promesses qui correspondent à la véritable nature des modèles de service associés.
Pour les offres traditionnelles « héritées », remarketées en mode Cloud, la différence sera faible finalement en comparaison des offres d’outsourcing dont elles découlent, avec un risque de désillusion à la clé pour les clients concernés par une promesse non tenue par exemple en matière :
- d’industrialisation technique,
- de modèle de service,
- de modèle économique,
- d'impact organisationnel,
- de dispositions contractuelles,
en quelque sorte, les contraintes de l'outsourcing traditionnel, sans les avantages du modèle Cloud.
A titre d’exemple, certains acteurs traditionnels du marché facilitent à travers leurs offres "Cloud" le provisionning de nouveaux services mais n’investissent dans aucune facilité de décommissionnement, rendant illusoire la promesse d’un modèle à l’usage fonctionnant à la hausse comme à la baisse. D'autres proposent des solutions encore plus en silo et encore plus spécifiques que les systèmes "legacy" historiques.
Pour les offres fidèles aux caractéristiques essentielles du Cloud les différences sont tangibles et porteuses de bénéfices attractifs pour les clients ayant épuisés les bénéfices des approches traditionnelles et décidés à s’engager avec leurs métiers dans cette transformation « IT as a Service ».
Parions qu’à travers la phase d’évaluation et d’adoption actuelle des offres du marché, les clients feront rapidement la différence !
Au sein des grands groupes, le Système d’Information est devenu central dans leur chaine de création de valeur.
La multiplication des enjeux pesant sur le SI amène ses dirigeants à engager de profondes transformations pour s’adapter toujours plus vite aux décisions stratégiques d’entreprise.
A ce titre, ma mission chez Orange Business est d’identifier pour nos clients les propositions de valeur IT & Cloud Computing pour concilier performance économique, alignement business et réduction des risques et contribuer ainsi à la réussite de leur transformation.