Suite et deuxième partie de mon interview de Laurent Lachal, historien de formation et passionné de technologies qu'il a analysées pour la firme d'études britannique Ovum pendant 20 ans.
La vision de Laurent Lachal sur le marché du cloud computing et de son évolution est pleine d'intuition et de clairvoyance, et son intelligence du marché lui permet de décrire cette nouvelle discipline comme n'étant pas, comme c'est souvent le cas, uniquement un phénomène technologique, mais aussi un phénomène culturel important.
Cette interview a été divisée en trois parties :
- la partie numéro 1 décrit sa vision du marché du cloud computing,
- la partie numéro 2 est dédiée aux deux piliers de l'évolution culturelle impulsée par le cloud computing, à savoir la convergence et le pouvoir rendu aux utilisateurs ("empowerment" en Anglais),
- et enfin, Laurent Lachal se focalisera dans la dernière partie sur l'importance croissante prise par les opérateurs de télécoms, dont Orange Business, sur ce marché du cloud computing, notamment dans le domaine de l'infrastructure (IaaS).
[En] - Ovum's Lachal on Cloud Computing, Convergence & Empowerment (part 2)
Je vais développer ces deux notions, car je crois qu'elles sont très importantes.
Le monde entier parle de convergence de l'informatique et des télécoms depuis 15 à 20 ans. Elle est finalement arrivée, lentement, mais sûrement, et maintenant nous observons une accélération fulgurante ; ceci particulièrement du point de vue des opérateurs de télécoms.
Ce qui est très intéressant, c'est que ces derniers ont commencé à s'étendre dans le champ des services informatiques. Sous l'influence du cloud computing, ceux-ci sont de plus en plus présents dans le domaine de la fourniture de logiciels également.
Ce que je veux dire par là, c'est que nous observons une véritable révolution culturelle. Ce que cette convergence implique, c'est que les fournisseurs de matériels, de logiciels et de télécoms interviennent tous en même temps sur le même terrain. Oracle par exemple produit aujourd'hui du matériel, les opérateurs de télécoms développent du logiciel et du hardware etc.
Ce brouillage des pistes n'est pas seulement observé du côté de la fourniture de services, on le vit également au travers de la demande. Regardez par exemple, ce qui se passe dans le domaine du stockage des documents critiques ; vous avez d'une part les entreprises juridiques qui offrent ce type de services, de même que, d’autre part, les banques. Il s'agit de deux types d'entreprise qui viennent de deux secteurs différents mais qui du fait de l'évolution naturelle de la numérisation de l'économie, deviennent concurrentes sur un domaine commun.
Ainsi, ce brouillage des lignes intervient-il à tous les niveaux. Au sein des entreprises, il prend pied dans le domaine de l'informatique. Il n’y a plus d'une part les « grands prêtres de l'informatique et de l’autre, le bas peuple des croyants qui ne connaissent rien à rien ». Il y a au contraire un continuum important entre ceux qui savent tout de l'informatique et qui sont effectivement employés par le département informatique, et ceux qui n'y connaissent rien. Entre les deux, vous avez les gens qui en connaissent énormément, et qui ne sont pourtant pas employés par le département informatique car ils appartiennent à d'autres départements.
Cette confusion des genres, est accompagnée également de changements importants dans le domaine du pouvoir de décision. Il y a cette notion, largement répandue, que les directeurs marketing sont les futurs contrôleurs des dépenses de l'informatique : c'est un contresens absolu. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut remettre tout cela dans son contexte. Un grand nombre de gens pensent cela, à savoir que c'est le directeur marketing qui va contrôler la plupart du budget informatique ; mais ce n'est pas ce que nous observons sur le terrain. II y a en réalité un rapport de 80 /20 avec 80% des budgets qui vont dans la maintenance et 20 % qui vont dans l'innovation.
Le département informatique est toujours fermement responsable des 80 % qui vont à la maintenance. Ce que les directeurs informatiques et le directeur financier vont contrôler de plus en plus par contre, ce sont les 20 % dédiés à l’innovation. Et de ce fait, il y a un glissement depuis cette notion de convergence vers celle d’ « empowerment », symbole d’un accroissement de pouvoir de l’utilisateur.
Très en amont de mes études sur le cloud computing j'ai assisté à une conférence. Un des membres de l'auditoire a posé la question : « quel est l'impact du cloud computing sur les utilisateurs ? » Ce qui m'a véritablement renversé, c'est que personne parmi les présentateurs, n’était capable de réponse à cette question. Ils ne savaient pas quoi répondre. Je n'étais pas intervenant cette conférence mais j'ai quand même pris le micro et j’ai déclaré que le cloud computing était centré sur l'utilisateur et que si vous ne compreniez pas cela, vous ne compreniez rien au cloud computing du tout. Le cloud computing signifie que, pour la première fois à jamais, vous avez une nouvelle option qui s'ouvre à vous.
Auparavant, nous avions deux options : la première option consistait à demander un développement à son département informatique, l'autre option, de le faire auprès d’un hébergeur outsourceur. Si les deux disaient non, je n'avais pas d'autre solution.
Aujourd'hui, avec le cloud computing, vous allez voir votre département informatique, qui s'il dit non vous renvoie vers votre ascenseur et si la réponse est encore non, alors vous ouvrez votre navigateur et vous êtes seul maître à bord … à condition d'avoir assez d'argent sur votre carte de crédit.
Ce facteur d’empowerment est absolument critique : amener son propre matériel (BYOD), amener ses propres applications sont des comportements qui n'ont rien à voir avec de la technologie, c'est plus un rapport à la culture. Bien-sûr, en fin de compte cela revient à gérer des applications sur un terminal, et il est vrai que les technologies mûrissent aussi, mais le problème clé consiste plus à savoir comment on va gérer ce changement culturel au travers de l’ « empowerment » et de la convergence et c’est la réalité à laquelle sont confrontées toutes les entreprises sur le terrain aujourd’hui.
Yann Gourvennec
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Lire la première partie de l'interview de Laurent Lachal :
l’évolution du cloud computing expliquée par un analyste historien
Je suis spécialiste en systèmes d'information, marketing de la highTech et Web marketing. Je suis auteur et contributeur de nombreux ouvrages et Directeur Général de Visionary Marketing. A ce titre, je contribue régulièrement sur ce blog pour le compte d'Orange Business sur les sujets du cloud computing et du stockage dans le cloud.